Le roadster Speed Triple est considéré comme le modèle phare de la marque britannique. Toujours équipée du mythique trois cylindres la caractérisant depuis son lancement en 1993, la Speed Triple évolue à nouveau avec la "R" qui est un raffinement de la version introduite en 2011.
Pour rappel, le millésime 2011 marquait l'arrivée d'une moto au style revu en profondeur, avec notamment l'abandon des doubles phares ronds qui avaient tant contribué au succès et à l'identité de ce modèle. Mais avec une double optique dorénavant plus polygonale, le regard de la belle anglaise n'a rien perdu de son charme. D'autres évolutions sont apparues aussi en 2011, avec une partie- cycle plus fine et entièrement revue, une géométrie et des suspensions procurant davantage de maniabilité et un habillage tout différent et plus moderne. Le moteur quant à lui évoluait modérément avec le triple de 1050cc développant désormais 135ch à 9400tr/m. C'est donc une moto disposant de la même nouvelle architecture que nous avons pu tester en ce début d'année sur le circuit de Jerez.
Öhlins Twin Tube
Comme pour la Daytona et la Street Triple auparavant, la marque britannique propose ici une version plus exclusive de son best-seller. La Street Triple R se distingue majoritairement par un ensemble de suspensions Öhlins de haut de gamme, des étriers monoblocs Brembo et des jantes forgées PVM. Autant le dire tout de suite, cet «upgrade» tire le tarif vers le haut, portant la moto à 15.190€, soit un surcoût de 2.900€. Cela peut sembler excessif, mais comme vous allez le voir, on en reçoit pour son argent! Tout d'abord, le plus marquant, le pack de suspensions Öhlins. Si dans certains cas ce spécialiste suédois des suspensions appose son nom sur des produits à peine plus performants que la production de série, il n'en est rien sur la Speed R. La britannique est ici dotée des meilleurs éléments disponibles pour équiper un roadster, avec la fourche à cartouche NIX 30 et l'amortisseur TTX36 twin tube. Deux éléments de très grande qualité et offrant des possibilités de réglages très étendues, permettant une mise au point digne des supersports. De plus, les ressorts équipant l’amortisseur et la fourche sont plus durs sur la R que sur la version standard.
Accord parfait
Sur le tracé rapide de Jerez (où se disputera cette année encore la deuxième course de MotoGP), la Speed Triple a impressionné les essayeurs par la performance et le parfait accord de ses suspensions, une stabilité sans faille sur les portions droites et lors des freinages les plus appuyés. Mais surtout un train avant hypersécurisant, particulièrement remarquable sur les raccords d'asphalte très imparfaits parsemant le circuit espagnol. Les différences de revêtement pourtant abordées sur l'angle en plein virage sont gommées par les Öhlins de façon remarquable, laissant présager d'un comportement impeccable sur le réseau routier, souvent plus endommagé mais abordé à des allures plus modérées… Autre point amélioré sur cette version de la Speed Triple, le freinage avant qui est confié aux Brembo monoblocs, un étrier de frein en une pièce usinée d’un seul bloc d’alliage, contrairement aux étriers classiques composés de deux pièces assemblées et boulonnées. L’avantage? Une rigidité bien supérieure dans le cas du monobloc, qui se déforme moins lors des gros freinages et qui transmet donc davantage de pression sur les plaquettes. La puissance mais aussi la sensibilité du freinage s’en trouvent améliorés. Malheureusement, l’usinage nécessaire, beaucoup plus complexe, fait de ces freins des pièces coûteuses et rares. S’il est évidemment difficile de mesurer objectivement le gain de performance sans disposer d’une Speed standard, on peut assurer cependant que le monobloc se montre sans reproche. Le système ABS est disponible de série et déconnectable via le tableau de bord.
Troisième élément au menu de cette «R», les jantes PVM en aluminium forgé (voir encadré) qui permettent un gain de poids sensible: 1,7kg de moins pour la paire. Avec une réduction des masses non suspendues (roues, pneus, disques de freins, tubes inférieurs de fourche, bras oscillant…), on obtient un gain en réactivité des suspensions sur les chocs, puisque les masses à accélérer et à freiner sont moindres. En outre, un gain de poids spécifiquement aux jantes a une influence double: il conditionne l’accélération de la roue (et donc de la moto) et son effet gyroscopique rend la moto proportionnellement plus maniable lors de la mise sur l’angle.
Il est incontestable que ces roues forgées jouent un rôle important dans le très bon fonctionnement de la partie- cycle de la Speed R, qui ne doit pas tout uniquement à ses composants Öhlins. Mention très bien aussi pour la monte pneumatique en Pirelli Diablo Supercorsa SP qui complète le pédigrée très sportif de cette Triumph, même si sa gomme et son dessin très minimaliste la rendent inadaptée au pilotage sur route froide, à fortiori humide.
Triple bien rempli
Au chapitre de la motorisation, pas de nouveauté par rapport au modèle 2011 standard et on ne s’en plaindra pas, tant le bloc trois cylindres de 1050cc est efficace et attachant. Son couple généreux le rend assez linéaire. Ce n’est probablement pas sur un circuit rapide qu’il pourra mettre en exergue toutes ses qualités, mais nous n’étions pas à Jerez pour juger ce moteur bien connu et très apprécié. Les 135ch étaient là pour découvrir les raffinements d’une partie- cycle poussée à son maximum dans ces conditions… Alimenté par un système d’injection totalement issu des usines Keihin, mais avec seulement un papillon par cylindre, la Triumph répond sans à-coup et montre que cette technologies est désormais parfaitement maitrisée. Le feulement du triple n’est pas sans rappeler la sonorité envoûtante du six cylindres Porsche. Cela est encore plus vrai sur les motos de test dotées des échappements Arrow, accessoire quasi indispensable pour profiter au mieux du charme de cette anglaise…La boite de vitesses a reçu quelques améliorations, au niveau du verrouillage des rapports principalement, mais cela ne nous a malheureusement pas totalement convaincu et reste toujours un cran en dessous de la production japonaise : les rapports « accrochent » parfois encore un peu à la montée.
Super Speed Triple
La Speed Triple R est disponible en 2 coloris, le noir et le blanc, et chacune se distingue de la version classique par une peinture de cadre rouge. De plus, le cache de réservoir, les flancs de garde- boue avant et les écopes de radiateur sont réalisés en fibre de carbone, des pièces très soignées issues du fournisseur de Lamborghini et Audi (R8). Au chapitre de l’équipement, pas de différence avec la version de base, et comme sur celle-ci on regrettera l’absence d’un indicateur de rapport engagé. En conclusion, les ingénieurs de Triumph ont réalisé, avec la «R», une moto techniquement plus aboutie et plus raffinée. Pas de «tape- à- l’œil» mais des composants améliorant le comportement dynamique de l’anglaise. La qualité des éléments justifie indéniablement le surcoût et cette moto plaira autant aux amateurs de beaux composants mécaniques qu’aux pilotes affutés en quête d’une moto encore plus précise et plus efficace.
Un essai signé Frédéric Daveloose publié dans le Moto 80 n°737.