En près de 4 ans, la Tiger 800 s’est forgée une solide réputation. Autant à l’aise en ville qu’au sommet du col du Tichka au Maroc, cette baroudeuse nous revient reliftée et proposée en deux (fois deux) versions! Routes ou pistes, l’Anglaise a de quoi séduire les plus citadins des baroudeurs.
On peut dire que cette Tiger était bien née. Héritière d’un bloc moteur issu de la Daytona 675 porté à 800cc, elle avait impressionné dès sa sortie. Depuis, la concurrence a répliqué et il était temps que les ingénieurs de Hinckley revoient leur copie. C’est chose faite et on peut dire qu’ils ont bien fait! Si le moteur n’a pas fait l’objet d’une refonte complète, il bénéficie néanmoins des dernières technologies. Une nouvelle injection plus précise fait son apparition venant épauler le système ride-by-wire. Les canaux d’admission ont été revus et on retrouve un nouveau profil d’arbre à cames tandis que les soupapes viennent maintenant directement de la Daytona 675. Le radiateur facilitant la mise en température, et donc les émissions de CO2, a été optimisé pour les situations prolongées en ville ou en off-road, un alternateur plus puissant (476w) et plus léger a également fait son apparition, le tendeur de chaîne de distribution provient de l’Explorer et le système de sélection de boîte est lui aussi, hérité de la Daytona. Enfin, un nouveau catalyseur complète le tableau et permet d’annoncer une baisse de la consommation de 17%, pour se situer entre 4,3l et 5,6l aux 100km avec une puissance poussée à 95ch, soit un des moteurs lesplus costauds de sa catégorie.
Équipement «x»
Avant de passer aux principales avancéesqui sont, en réalité, plutôt d’ordre électronique, éclaircissons un peu la situation. La Tiger se décline désormais en deux versions: la XR, plutôt destinée à la route sans se refuser à un petit tour dans les grands chemins, et la XC, dédiée au tout-terrain mais ne rechignant pas à vous emmener sur les routes. Ces deux versions sont disponibles de base ou en finition «x», mieux équipées. Tout le monde suit? Si la base est sensiblement la même, la XC se distingue essentiellement par ses roues à rayons – dont une de 21 pouces à l’avant contre du 19 pour la XR, et le remplacement des combinés avant et arrière Showa par du WP (White Power).
Les autres différences touchant à l'électronique. Les motos mises à disposition pour ce premier essai étaient les versions les mieux équipées. C'est-à-dire, les XRx et XCx. Le système d'ABS déconnectable équipe de série tous les modèles de la nouvelle Tiger 800. Les x disposen également de la possibilité de personnaliser les paramètres de l'ABS via les trois modes de conduite proposés par la moto. Lorsque le mode Off-road est sélectionné, l'ABS est désactivé à la roue arrière et le système permet également un certain degré de dérapage de la roue avant. Ainsi, l'électronique reste active au freinage sans brider les sensations qu'offre la conduite en tout-terrain.
Paramétrage & cartographie
Le système antipatinage Triumph (TTC) se veut, lui aussi, disponible de série sur tous les modèles. Ce système empêche la roue arrière de patiner en coupant le couple moteur afin d'éviter toute perte d'adhérence latérale. Vous avez la possibilité d'activer ou de désactiver le TTC sur les modèles XR et XC. Les versions «x», quant à elles, proposent les configurations Road, Off-road ou Off (désactivation). En mode Off-road, le degré de dérapage de la roue arrière autorisé par le système antipatinage est supérieur à celui du mode Road. Le pilote a la possibilité de configurer ses préférences pour le système antipatinage associées aux 3 paramètres du mode pilote.
Grâce aux 4 cartographies de commande des gaz proposées sur les modèles x, vous pouvez sélectionner les réglages optimaux adaptés aux conditions de conduite, notamment le type de surface et les conditions météo. Ces cartographies de la commande des gaz sont facilement sélectionnables via la commande dédiée. La différence entre ces cartographies se traduit par une ouverture spécifique de la poignée des gaz par rapport à la position du papillon. Le moteur donne sa pleine puissance quelle que soit la cartographie sélectionnée mais l'ouverture de la poignée des gaz nécessaire pour atteindre la même réponse est différente d'une cartographie à l'autre.
Moto à la carte
L'une des caractéristiques clés des modèles XRx et XCx s’avère être la possibilité de configurer la moto en fonction du terrain en appuyant simplement sur un bouton. Lorsque vous quittez la route pour passer en tout-terrain et inversement, une simple pression sur le bouton de mode suivi d'un relâchement de la poignée des gaz et d'un actionnement du levier d'embrayage permet de basculer entre les modes Road et Off-road. L'ABS, le système antipatinage et les cartographies de la commande des gaz sont automatiquement configurés avec la moto en mouvement pour l'adapter au mieux au type de terrain franchi. Trois modes sont disponibles: Road, Off-road et un mode programmable.
La nouvelle Tiger 800 apparaît également comme le premier trail de moyenne cylindrée à être équipé d'un régulateur de vitesse. De série sur les modèles x, cet accessoire bien pratique permet de réduire la fatigue du pilote tout en optimisant la consommation de carburant. Si cette énumération des composantes électroniques vous semble un peu longue et ardue sur papier, en pratique, sachez que ce matos fonctionne parfaitement et que l'on assimile facilement son maniement. On peut évidemment se poser la question si tout cela est bien nécessaire? On roule à moto depuis des années sans tous ces artifices et on est toujours là pour en parler… Si la technique évolue, la puissance des machines aussi et la plupart des ces innovations électroniques vont dans le sens de la sécurité. L’ABS est devenu une évidence, tout comme la montée en puissance des moteurs rend le «traction-control» tout aussi indispensable. Si ces éléments ne doivent vous sauver la mise qu’une seule fois, vous n’aurez plus jamais de critiques à leur égard. Ici, de toute façon, tout est déconnectable…
Ensemble qualitatif
À l’arrêt, la Tiger XRx en impose. Pour une 800cc, elle impressionne par sa taille, sa gueule et sa qualité de finition: pas de câbles ou de fils qui trainent, des assemblages parfaits et des matériaux nobles qui dégagent un sentiment très positif de l’ensemble. Sous la selle passager, on découvre une trousse à outils et un peu de place (2,7l) pour ranger son portefeuille et une paire de gants chauds, par exemple. On avait presque oublié l’existence d’espace de rangement à cet endroit! Le tableau de bord se compose, à droite, d’un grand compte-tour à aiguille avec en son centre les témoins lumineux de fonctionnement ou d’alerte. Et à gauche, un affichage digital distille toutes les autres informations de réglage électronique ainsi que les indications habituelles. Une prise 12v est disponible d’origine à l’avant sur tous les modèles et on en retrouve une supplémentaire, à l’arrière, sous la selle des versions «x».La prise en main ne pose pas de soucis. Le guidon tombe naturellement sous les mains et les jambes, pas trop repliées, se posent sur des poses-pieds parfaitement situés.
Contact, une pression sur le bouton de démarreur et le trois cylindres s’ébroue dans un son feutré. Peut-être un peu trop. À la moindre sollicitation de la poignée, le moteur s’emballe et laisse transpirer son envie de prendre des tours.La XCx n’est pas en reste. Ses jantes à rayons, ses barres de protection autour du moteur, son gros sabot en alu donnent le ton. Elle est prête à vous emmener sur son terrain de jeu favori: les pistes. À son guidon, plus large que sur la XR, on perçoit directement la différence de position venant principalement de pontets qui le rehaussent. Notons que les caoutchoucs de pose-pieds peuvent prendre place sous la selle. Cette opération permet d’avoir un bon positionnement des pieds une fois debout sur la moto. De petits détails mais qui, réunis, en font une machine bien pensée.
Moto intuitive
Dès les premiers mètres, la Tiger se révèle bien équilibrée et fait oublier son poids. Avec ses Pirelli Scorpion Trail, difficile de la prendre en défaut. Nous commençons l’essai sur la XRx réglée en mode «Road». La moto est intuitive et, dans ce mode de conduite, elle permet de passer facilement de la balade tranquille à une conduite plus rythmée. Les montées en régimes sont franches, la tenue de route étonnante d’efficacité, tout comme le travail des suspensions. Les limites de la moto ont l’air assez loin et c’est tout naturellement qu’on abat les kilomètres bien installé sur la selle confort de la version XRx.
Après cette prise en main, nous passons au mode «Sport ». D’un coup, l’univers feutré bascule vers un tout autre registre. Les montées en régime deviennent rageuses et le trois cylindres ne demande qu’à foncer jusqu’au rupteur. À la moindre sollicitation, la Tiger bondit vers le virage suivant. «Bondit» est le mot juste. En effet, nous sommes quand même sur un trail dont les suspensions d’un certain débattement montrent leurs limites au-delà d’un rythme qui n’est plus du tout touristique, soyons clairs. Si elle se raidit, la Tiger accepte quand même de «rentrer» sur les freins. Avouons-le, la cadence adoptée ferait rougir certains roadsters. D’ailleurs, le sentiment qui vous envahit par moment est de ne plus conduire un trail mais plutôt une machine de route.
La XCx se comporte de façon presque aussi élogieuse sur la route. De par son équipement, elle oblige son pilote à un peu plus de retenue. Les changements d’angle sont moins faciles et, sur les ronds-points par exemple, elle se montre plus raide que sa sœur routière. Mais le changement le plus flagrant vient évidemment des suspensions WP bien plus souples que sur la XR(x). De ce fait, la moto plonge davantage lors des freinages et ces changements d’assiette ne permettent pas de suivre le rythme de la XR(x). Normal me direz-vous, ces deux machines «jumelles » ont des destinations finalement bien différentes.
Plaisir réel
Il est temps d’emmener ces Tiger sur leur deuxième terrain de jeux: les pistes. Inutile de s’étendre des heures sur les capacités de la XR(x). Si elle acceptera quelques escapades tranquilles sur des pistes roulantes, sèches et faciles, ce n’est pas ici que ses principales qualités seront mises en avant. Pour la XC(x), le constat est évidemment tout l’inverse. Ici, elle prend clairement l’avantage sur la XR(x). D’emblée, la position debout est plus naturelle et permet un bonne maîtrise de la moto. Le mode «Off-road» pré-établi abat parfaitement son boulot, la moto se maniant du bout du guidon et du regard avec facilité. Bien sûr, nous sommes sur une machine de plus de 200 kilos qui aura évidemment ses limites sur des sols plus meubles ou dans des conditions d’adhérence précaires. L’enduro pur et dur reste quand même le terrain de jeux de machines plus légères. Un bon point particulier sur les suspensions WP: excellent choix de Triumph. La fourche réglable sans outil et le combiné arrière font vraiment merveille en gardant au maximum la roue arrière en contact avec le sol. Nos machines d’essai étaient montées avec les mêmes pneus Pirelli Scorpion Trail que nos motos de route. On peut dès lors facilement imaginer l’aisance supplémentaire apportée par l’adoption de pneus tout-terrain.
Donc…
Triumph vient de frapper fort avec ces deux nouvelles Tiger. Abouties, efficaces et bien fines, elles se posent fièrement devant une concurrence principalement germanique. Si le trois cylindres anglo-saxon se veut une merveille de douceur et de puissance combinée, il vient épauler une partie-cycle de très haut niveau. Le plaisir trouvé au guidon est bien réel et on a le sentiment d’en avoir pour son argent. Evidemment, il convient de se positionner par rapport à l’utilisation que l’on aura de sa machine. Entre le raid principalement routier et l’aventure hors des sentiers battus, chacun y trouvera son compte et la liste des options et bagageries disponibles vous permettra d’affiner votre choix. Considérant les différences de prix, il est probable que les versions «x» auront beaucoup de succès grâce à l’équipement supplémentaire qu’elles procurent. Dans tous les cas, cette nouvelle Tiger, quelle que soit sa finition, vous emmènera sûrement non loin des sommets.
Un essai signé Thierry Dricot et publié dans le Moto 80 n°769 de décembre 2014.