Énième itération de la MT-09, la XSR900 défend une vieille valeur motocycliste: la passion de la machine simple, goûteuse et intemporelle. Pour tourner la poignée en grand et laisser loin derrière soi le monde de l’obsolescence programmée…
Le lancement de la MT-09, il y a 3 ans, a permis à Yamaha de remonter dans le wagon de tête des machines techniquement les plus modernes. L’essentiel de cette remise à niveau revient au tout nouveau 3 cylindres en ligne Crossplane de 847cc ; les autres recettes se focalisant sur le cadre en aluminium coulé et sur la quête de légèreté. Ces progrès ont fait de la MT-09 et de ces différentes déclinaisons – dont la Tracer à la fibre touring, la plus routière d’entre elles, n’est pas la moindre! – des modèles d’homogénéité et d’efficacité mais aussi des concentrés de plaisir devenus des références parmi les roadsters sportifs. La XSR900 sera le membre de la famille MT-09 qui fera le lien avec le patrimoine historique de la marque, comme l’a été quelques mois plus tôt la XSR700 vis-à-vis de la MT-07. Les désignations de ces nouvelles versions font référence aux XS – respectivement bi- (la 650) et tricylindres en ligne (les 750 et 850) des années 70. La filiation est reconstituée d’un coup de cuillère à pot: les XSR existent chez les MT parce qu’aucune gamme ne peut ignorer la mouvance néo-rétro. Le regain d’intérêt pour le vintage et les «youngtimers» fait le bonheur des services marketing en leur mâchant la besogne. Même si, de toute évidence, recréer un imaginaire autour de la XS paraît plus ardu que de réhabiliter un Scrambler, genre emblématique facile que Yamaha n’a jamais cultivé.
Organes exhibés
Pour forcer l’attention sur ses machines du passé, le constructeur japonais alimente le buzz depuis 2011 autour de projets et de réalisations uniques de préparateurs indépendants, américains et européens, sous le label Yard Built. Ces collaborations extérieures ont abouti aux XSR700 et 900, qui se définissent comme les premiers modèles «Sport Heritage» de la production courante et 2 premières tenantes de la philosophie Faster Sons. La V-Max devrait suivre. Ces transformations modifient davantage la posture du pilote, les accessoires et les matières que l’architecture des machines concernées. À l’inverse des MT, les XSR bannissent le plastique pour mieux exhiber leurs organes mécaniques et leurs matériaux nobles.
La XSR900 préfère les aciers, les alliages et l’aluminium aux matières plastique. Mais aussi le verre au polycarbonate (le cas de l’optique avant, dont la bonne épaisseur n’a pourtant pas résisté aux projections de gravillons). Les caches du réservoir spécifiquement redessiné pour elle (dont la contenance est néanmoins inchangée à 14 litres) sont en alu comme façonnés à la main. Les 3 coloris proposés – jaune 60e Anniversaire (notre monture pour ce 1er essai), gris-bleu ardoise ou, plus authentiquement vintage, gris mat – constituent la teinte de base de la moto, tout le reste est peint en noir, laissant peu de place au chrome (les platines repose-pieds, supports de phare, enjoliveurs sur l’arrière-cadre boulonné). À noter que le réservoir est «posé» sur le dos du cadre, comme au bon vieux temps, et non imbriqué dans un ensemble plus complexe à la façon de la MT-09.
Design élémentaire
Les lignes tarabiscotées ou torturées ont été éradiquées. Les modèles Faster Sons reviennent au design élémentaire. Au strictement rond. C’est le cas du phare, du feu arrière et de l’unique compteur. L’affichage de ce dernier reste digital blanc et, grâce au contraste sur fond noir, s’est avéré parfaitement lisible, y compris sous une très forte luminosité. Mais élémentaire ne veut pas dire sommaire! La XSR900 se révèle mieux instrumentée qu’elle n’y paraît, puisque ce cadran ne se contente pas de fournir les infos de base (vitesse, régime, rapport engagé et témoins d’alerte cruciaux) mais les modes sélectionnés (une des 3 cartographies moteur, type de contrôle de traction choisi – off, intervention modérée ou forte). Des fonctionnalités qui ne nous changent toutefois pas de la MT-09.
Parmi les mappings proposés, le plus sportif nous laisse une poignée d’accélérateur «by wire» incisive à la limite de la brusquerie mais appropriée en conduite au taquet. La plus douce donne une réponse de commande presque lente, utile lorsqu’on se faufile au pas en ville. La cartographie standard restituant le rendu le plus naturel à la sollicitation des gaz. Le contrôle de traction, quel que soit le degré d’intervention, ne nous a par contre jamais paru trop platement intrusif. Comme sur la plupart des Yamaha, le levier d’embrayage actionne un câble et non une commande hydraulique. Sa manipulation s’avère néanmoins toujours progressive et, parce que les disques sont tenus par des ressorts plus légers et un plateau de pression anti-dribble, particulièrement indulgente. À la montée comme à la descente des rapports. L’effort à exercer serait réduit de 20% par rapport à la MT-09.
Substantielle
La XSR900 s’est montrée très facile à prendre en main. Elle conserve non seulement la partie- cycle de la MT-09 mais aussi son guidon en alu gainé de noir, également inchangé. Tout comme la position des repose-pieds. Spécifiques, l’arrière-cadre boulonné, le plus long réservoir et la selle redessinée modifient la position de conduite. Celle-ci est rehaussée de 15mm et reculée de 50mm. Du coup, on perd la posture de streetfighter – très «sur l’avant» – qu’il est possible d’adopter au guidon de la MT-09, pour prendre naturellement une attitude beaucoup plus relaxée rétro-classique. À ce stade, il suffirait d’un guidon-bracelets pour obtenir le parfait café-racer! Les accessoires du concept existent déjà (dont les repose-pieds reculés ou inversés, le dosseret rond pour coiffer l’arrière d’une selle en Alcantara, les rétros à monter au bout des poignées moustaches). La selle se révèle plus large à l’entrejambe du pilote que celle de la MT-09. Elle présente mieux, avec ses surpiqûres qui font très classe, et peut être bicolore (noir et vieux rouge). Elle est aussi mieux rembourrée mais plus courte, ce qui hypothèque le duo de longue durée. Simple ne veut toutefois pas dire rudimentaire. Son contact s’est révélé agréable, côté pilote, au point de ne sentir aucune gêne au bout d’une journée d’essai.
Grâce à cette bonne hauteur de selle, la XSR900 nous a d’emblée conquis en mettant notre mètre quatre-vingt-huit aux anges. La pression de l’air, copieuse aux commandes de toute naked bike qui se respecte, demeure toutefois raisonnable sur les bras et le torse, mais assez forte au niveau de la tête. Logiquement, vu la philosophie de la machine, la consigne était d’enfiler un casque jet pour boucler ce premier contact de 230km avalé, on s’en doute, à un bon rythme. Force est de constater que ce mot d’ordre a mieux été pris à la lettre par les vieux brisquards de la presse moto que par la jeune génération de hipsters, réfugiés sous leurs intégraux et pourtant plus amateurs de ce type de moto. La conduite néo-rétro, c’est d’abord l’idée qu’on s’en fait ; puis, il y a la réalité…
Conclusion
Quoi qu’on en dise, les casques jet «lookés» d’aujourd’hui sont moins efficaces que les Cromwell d’hier ; leur épaisse calotte les rend moins aérodynamiques, sans parler de leur visière coulissante, certes joliment intégrée mais peu protectrice à grande vitesse. Bref, on n’a rien inventé de mieux que les bonnes vieilles lunettes de moto à sangle… C’est donc les pommettes fendant l’air et le menton en étrave que nous avons apprécié la XSR900, davantage même que nous l’escomptions. Parce que nous pensions qu’il s’agissait d’un mélange de genres, alors qu’elle crée habilement sa propre personnalité. En y mettant la manière. Avec simplicité. Le babillage discret de l’échappement court cache bien qu’elle est pourvue du meilleur 3 cylindres du marché. Rond en couple sur toute la plage des régimes, ce «inline triple» atteint 10.000tours/min sans attendre d’être écartelé sur ses intermédiaires. Les freins et les pneus (Bridgestone Battlax Supersport) sont ceux de la MT-09, très compétents en toute circonstance. Sa suspension est réglée plus dure, la rendant un peu moins joueuse en ville mais très précise sur le sinueux même quand le revêtement se dégrade. La XSR900 reste une sportive de qualité, saine, soignée, grisante et, non moins important, customisable à l’envi. L’élémentaire et le sophistiqué n’ont jamais fait aussi bon ménage.