Que les véhicules électriques se déplacent dans le plus grand silence, on le sait. Qu’ils puissent rivaliser avec les plus sportives des sportives, on va le découvrir avec la nouvelle Zero Motorcycles. Mais toutes les interrogations liées à l’e-mobilité seront-elles pour autant levées? Éléments de réponse.
À l’heure où vous lirez ces lignes, les nouvelles SR/F seront arrivées dans les show-rooms des dealers Zero Motorcycles, au nombre de 7 dans notre pays. Des enseignes plus précisément situées à Alost, Anvers, Braine-le-Château, Bruxelles, Heverlee, Mont-sur-Marchienne et Zwevegem, au cas où vous ne seriez pas encore familiarisé avec la marque américaine. Car si Zero Motorcycles se positionne comme un acteur incontournable de la mobilité électrique, il faut bien avouer que, dans le paysage global de la moto, et en Belgique notamment, l’image de marque du constructeur californien doit encore largement se construire.
En 2018, 180 scooters et motos électriques ont été immatriculés dans notre pays. Une goutte d’eau sur les 24.703 unités écoulées en Belgique: 0,75% du marché. Avec 62 immatriculations, Zero Motorcycles se taille néanmoins une belle part du gâteau. Mais avec quels modèles? Des S ZF, des DS ZF ou encore des DSR ZF aussi peu sexy les unes que les autres. Avis personnel, bien sûr. Et d’ailleurs peu relevant étant donné que ces machines n’ont pas été conçues pour paraître.
Avec la nouvelle SR/F, les choses sont toutefois appelées à changer. Esthétiquement, la dernière née n’a, certes, pas l’ambition de révolutionner les codes. Mais elle se veut nettement plus aguicheuse qu’un énième «brol électrique chinoisant». La SR/F a d’ailleurs fait l’unanimité au sein de la rédaction, les uns lui trouvant des lignes de Yamaha FZ6, les autres percevant une boucle arrière «à la Honda CB». Comme écrit plus haut, rien de bien neuf mais un effort stylistique à souligner et renforçant une modernité technologique largement mise en avant par le département marketing ZM.
Standard et Premium
La SR/F est, en effet, la machine par laquelle Zero Motorcycles veut accéder à la notoriété. La marque n’a d’ailleurs pas lésiné sur les moyens en développant un nouveau bloc propulseur, un système d’exploitation inédit ainsi que de nouvelles batteries. Mais commençons par le début. Disponible en deux livrées – grise ou rouge – la SR/F existe en deux versions.
Le modèle Standard, tarifé à 20.890€, dispose d’un système de charge rapide standard de 3kW. Le modèle Premium, disponible contre 23.090€, reçoit un système de charge rapide premium de 6kW ainsi qu’une tête de fourche, des poignées chauffantes et des embouts de guidon en aluminium.
Seules deux options sont proposées au catalogue: un système de charge rapide de 6kW supplémentaires (qui prendra la place du coffre de rangement) et un adaptateur de prise murale UE. Prix respectifs indifféremment des modèles: 3.025€ et 530€. Petit rappel au cas où vous auriez manqué notre édition d’avril, le nouveau groupe motopropulseur équipant la SR/F et baptisé ZF75-10 utilise désormais un refroidissement par air qui augmente la longévité et élimine la plupart de l'entretien courant. Le châssis en treillis d'acier et le bras oscillant à articulation concentrique ont, quant à eux, pour rôle d’optimiser l'arrivée du couple à la roue arrière, afin de permettre à la SR/F de tirer parti de toutes les capacités de son bloc.
Pour intégrer tous les systèmes de la moto, Zero Motorcycles a développé un nouveau référentiel central, appelé Cypher III. Du contrôle de stabilité MSC de Bosch au tableau de bord de nouvelle génération en passant par l’ABS, le système de répartition du freinage, l’antipatinage et le système de contrôle du couple, tout est connecté. Quatre modes de conduite – Ville, Sport, Eco, Pluie – seront également disponibles et jusqu’à 10 autres modes pourront être personnalisés.
Hyperconnectivité oblige, le propriétaire d’une SR/F aura tout le loisir de passer autant de temps sur son Smartphone que sur la selle de sa bécane. Alertes et statuts de la moto, niveau de charge, partage des données de trajet, mises à niveau et mises à jour du système… sont autant de paramètres à gérer depuis cet objet qui, autrefois, servait aussi de téléphone. La SR/F alertera, par exemple, son propriétaire des notifications en cas d'interruption de charge, de chute ou de déplacement intempestif. De plus, la fonction «Trouver ma moto» permettra de garder un œil sur sa monture à tout moment.
La SR/F offrira également la possibilité de définir, à distance, les paramètres de chargement. Les utilisateurs pourront aussi partager – anonymement si nécessaire – des données très complètes sur leur trajet (emplacement, vitesse, angle d'inclinaison, puissance, couple, état de charge, énergie consommée/régénérée…). Enfin, les nouvelles mises à jour et capacités de diagnostic permettront de télécharger à distance la dernière version du système d'exploitation Cypher III pour assurer des performances optimales et accéder aux améliorations de fonctionnalités. La connectivité sera offerte durant les deux premières années à l'achat d'une SR/F neuve.
Autonomie variable
La SR/F de démo nous ayant été confiée pour une période très limitée, je n’ai malheureusement pas eu le temps de me transformer en geek. J’ai préféré me concentrer sur la question qui vient immédiatement à toutes les lèvres quand on parle d’e-mobilité: «Oui, mais l’autonomie, ça donne quoi?». Eh bien justement, mettons-nous au guidon de cette SR/F.
Une plaquette informative m’indique ceci. Avec l'ajout du Power Tank optionnel, l’autonomie maximale en ville est annoncée à 320km. Sans le Power Tank, l’autonomie serait de 259km en ville et 132km sur autoroute, en mode Eco. Toujours en matière de recharge, le Rapid Charge System sera compatible avec le réseau de stations de charge Niveau 2. Celui-ci offrira une plate-forme permettant d'utiliser jusqu'à trois modules de charge indépendants. Avec les trois modules installés, la SR/F pourra se charger de 0% à 95 % en 1 heure. Soit la capacité de charge la plus rapide de la gamme Zero Motorcycles.
Bon, on le sait, entre l’annonce d’un constructeur, quel qu’il soit, et la réalité, il y a toujours des surprises en termes de consommation. Alors mettons-nous dans la peau d’un navetteur. Je quitte la concession ZM de Heverlee, et monte immédiatement sur la E40, direction Bruxelles. Mode de conduite Eco enclenché, je suis bloqué électroniquement à 120 compteur, soit 114km/h réels. Sur cette portion d’autoroute toujours chargée, c’est toutefois bien assez pour évoluer sereinement dans le trafic, même sur la 3e bande. Après 25km d'autoroute, je suis passé de 100% de charge et 192km de portée à 82% de charge et 128km de portée. Bref, largement ce qu’il faut pour commuter et rentrer le soir à la maison sans avoir «chargé» au bureau.
Batteries rechargées, je me lance pour la seconde phase d’essai, avec un test «longue portée». Objectif: aller le plus loin possible sur autoroute. Je sélectionne donc à nouveau le mode Eco et après 5km, me voici au Carrefour Léonard, direction Namur. À hauteur de la sortie Loyers (Namur Sud), avec 63km au compteur, 54% de charge encore disponible et 74km de portée annoncée, je décide de faire demi-tour, histoire de garder un petit «matelas de sécurité». Je sais que l’échangeur de Daussoulx plafonne vers les 190m d’altitude. J’évoluerai en légère descente jusqu’à Bruxelles, tout devrait donc bien se passer.
Devrait… car à hauteur du Carrefour Léonard, il ne me reste que 5% de charge pour 6km d’autonomie… et un peu plus de 5km à parcourir. Comme quoi, les «jauges» des véhicules électriques, c’est comme pour votre Smartphone ou votre PC. La seconde moitié disparait toujours plus vite que la première… Finalement, j’arrive devant la prise de courant du bureau avec 2% au compteur. J’aurai parcouru au total 126km à 113km/h maxi, sauf deux fois 8km de travaux à 85 compteur. Une autonomie maximale de 120km me semble donc nettement plus réaliste. À moins de mettre un jockey sur la SR/F… Je branche sur le secteur et la prise du garage me permet de bénéficier de 28A à 2,7kW, soit 3h42 pour une charge complète, sur ce modèle Premium.
Lointains virolos
Que penser de ces premiers trajets? La vitesse limitée n’a, finalement, rien de rédhibitoire. Au contraire, rouler sans crainte de se faire photographier s’avère même plutôt apaisant. Si, si, j’vous jure… Et au milieu d’une circulation dense, on bénéficie malgré tout des reprises adéquates. De toute façon, pour les amateurs d’autoroutes allemandes, sachez que la SR/F est limitée électroniquement à 200km/h et après quelques secondes, elle plafonnera même à 170, histoire d’éviter toute surchauffe moteur.
Le rayon d’action se révèle largement suffisant pour commuter, même sans possibilité de recharge en cours de journée. Par contre, si vous devez vous taper 100 bornes de voie rapide avant d’atteindre votre zone de randonnée, la situation va solidement se corser. Une longue halte déjeuner s’imposera pour «refaire les niveaux», sous peine de tomber en rade au milieu de nulle part. Et puis, il faudra encore rentrer… Pour une utilisation sportive de la SR/F, vous l’aurez compris, mieux vaut habiter en rase campagne ou pouvoir trouver des routes sinueuses juste derrière votre jardin. Vu que ce n’est pas mon cas, je décide de m’attaquer au trafic urbain. D’ailleurs, il parait que les véhicules électriques vont sauver nos villes. Alors, autant vérifier…
Je passe en mode Sport… l’espace de quelques minutes. Si la vitesse de pointe n’a rien de stratosphérique, le couple délivré par la SR/F, lui, se révèle tout simplement hallucinant: 190Nm, immédiatement! De quoi vous arracher les bras et ridiculiser n’importe quelle hypersportive au premier feu vert. Seule la Triumph Rocket III fait mieux avec ses 221Nm… mais pas au même régime moteur, évidemment.
Si vous souhaitez rester sur vos roues, je vous déconseille d’ailleurs de désactiver le contrôle de traction. Même en mode Street, je me rapproche beaucoup trop vite et trop dangereusement à mon goût de tous les obstacles – fixes ou mobiles – qu’une ville réserve aux motards. Même si les accélérations se montrent toujours très linéaires, me voici de retour en mode Eco, avec 79% de charge et 144km de portée annoncés. D’ailleurs, même en Eco, la poussée me permet de «pourrir» tout le monde sur la grille, accompagné d’un léger sifflement caractéristique des engins électriques.
Pas entendu, pas vu
Je passe la première heure totalement englué dans le trafic bruxellois traditionnel d’un vendredi après-midi. Motards, nous avons l’habitude de ne pas être vus. Avec une moto électrique, il faut également composer avec le fait de ne pas être… entendus! Maintes fois, essayant de me faufiler entre les voitures, je me suis retrouvé à hauteur de volant d’un «caisseux» rivé sur son fil WhatsApp. Pas entendu, pas vu. Un peu inquiétant… En fait, je me dis que le bonheur viendra avec les voitures autonomes qui, elles, «sachant» qu’une moto électrique arrive, préviendront l'automobiliste qu'il ferait bien de quitter son Smartphone des yeux pour se concentrer davantage sur la route.
Mais dans l’attente de ce futur annoncé et sans pouvoir compter sur un bon «coup de gaz préventif», il vous faudra prier que vos grands phares ou vos «warnings» fassent effet. Heureusement, pour compenser l’immobilité des voitures, j’apprécie le centre de gravité très bas de la SR/F, assurant stabilité et sérénité pour remonter les files. Par rapport à un roadster de même gabarit, la SR/F rend certainement 20 kilos sur la balance. Mais cet embonpoint ne se ressent pas vraiment.
Au contraire, l’agilité se révèle parfaitement au rendez-vous et mes pérégrinations urbaines avec moult manœuvres et force demi-tours ne me fatiguent nullement. Autre bonheur, le moteur ne chauffe pas et je ne perçois aucune vibration. Ça change d’un bicylindre, par exemple. Je suis d’ailleurs plutôt bien installé, comme sur un roadster traditionnel, malgré une assise un peu ferme. Je me surprends également à très peu utiliser les freins, au demeurant exempts de tout reproche ; le gros frein moteur suffisant à stopper la SR/F dans la plupart des cas.
Au rayon des déceptions, relevons par contre une suspension particulièrement rugueuse à l’arrière et un amortissement en dessous de la moyenne à l’avant. Un témoin de recharge manque également au tableau de bord. Un gadget, peut-être, mais toujours intéressant à consulter. Après une seconde heure de roulage dans une circulation un peu plus fluide sur les grands boulevards, me voici de retour au bureau. Avec un verdict nettement plus prometteur: j’ai perdu seulement 26% de charge, ce qui me laisse envisager une dizaine d’heures de roulage urbain. De quoi remplir une bonne journée de coursier. Mais surtout, j’ai parcouru 55km! Les 259km annoncés semblent, cette fois, nettement plus accessibles.
Le tableau de bord m’annonce d’ailleurs 147km de portée alors que deux heures plus tôt, l’estimation était de… 144km! Le témoin de recharge m’indique 1h52 pour passer de 53% à 100% mais dans ce cas, difficile de tirer des conclusions, la durée de charge étant directement liée à l’installation électrique. Dernier point intéressant à souligner à ce propos, n’ayez crainte de faire sauter tous les fusibles en branchant votre SR/F sur le secteur (c’est du vécu, il y a quelques années avec un Renault Twizy dans ce même garage). Sur la rallonge, un bouton «reset» permet de «tester» chaque nouvelle prise de courant afin d’optimiser le temps de charge en fonction du potentiel de l’installation.
Conclusion
La Zero Motorcycles SR/F risque de faire très mal. Au portefeuille, tout d’abord, et c’est là son principal défaut. Avant de la rentabiliser grâce à ses frais d’utilisation très légers, il faudra quand même accumuler un paquet de bornes. Mais on le sait, toute innovation, peu importe le secteur d’activité, coûte toujours bonbon.
Ensuite, elle fera mal aux sceptiques. Niveau performances, la SR/F ne rougira devant personne. Et d’un point de vue personnel, j’ai pris un panard énorme à rouler de façon aussi dynamique dans un silence inédit pour un motard. Pour lui faire découvrir la vallée de la Semois sans passer un week-end entier à faire l’aller-retour, il faudra par contre que je la présente… à ma remorque.
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L’humeur du jour
Lorsque je suis au guidon, j’ai l’habitude de voir les gens se retourner à mon passage. Pas pour mon physique avantageux, malheureusement pour moi. Non, c’est toujours lié à la bécane sur laquelle j’évolue: un modèle encore inédit en concession, une bécane bien tape-à-l’œil tarifée parfois à plusieurs dizaines de milliers d’euros, un exemplaire exclusif ou une série ultra-limitée… Mais avec la SR/F, j’ai bien davantage joué la carte de la discrétion… sonore. Car malgré son évolution tout en douceur, nombre de passants n’en ont pas cru leurs oreilles. Oui, moto et silence peuvent aller de pair! Et il va sans doute falloir s’y habituer.
Les up
– Le bonheur du silence
– Puissance phénoménale
– Autonomie urbaine largement suffisante…
Les down
– …mais attention sur autoroute
– Tarif à amortir
– Dure de suspensions
Prix de base: 20.890€
Prix de la moto essayée: 23.090€
Disponibilité: immédiate