100km de Huy à Huy, la Hesbaye liégeoise

Balades à moto Tourisme Philippe Bonamis
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Janvier, ce n’est d'ordinaire pas un mois à mettre une bécane dehors. Aussi, cette balade que vous découvrirez chez vous, au coin du feu, ou sous les spotlights du Salon de la moto, sera-t-elle à réserver pour le début de saison. Vous allez voir, elle est parfaite pour une remise en route en douceur, parce que ni trop longue ni trop lointaine. Cap sur la Hesbaye liégeoise…

Le rendez-vous était fixé sur la Grand-Place de la bonne ville de Huy, célèbre pour ses quatre merveilles que sont «li rondia» (la rosace de la collégiale Notre-Dame, «li bassinia» (la fontaine sur la Grand-Place), «li tchèstia» (le fort), et «li pontia» (l'ancien pont sur la Meuse, remplacé par le pont Baudouin Ier depuis 1956). L'ami Vince et sa Triumph 900 Scrambler sont déjà là. Une moto idéale pour cette balade courte, qui totalise à peine 100 bornes, sur des routes parfois bien étroites et tortueuses. Vous l'aurez compris, en ce début de saison, nous laisserons les moyennes élevées à d'autres occasions! Après le traditionnel café noir matinal, avalé en terrasse sur la Grand-Place de Huy – la météo était exceptionnellement clémente lors de notre reconnaissance – nous mettons le cap sur Amay et sa collégiale. Les premiers kilomètres, sur la rive gauche de la Meuse ne sont guère folichons. Mais il y a des stations-services à la pelle: bonne nouvelle pour les distraits qui ont commencé la balade sur la réserve (ne riez pas, on en connaît!). Nous abandonnons le sillon mosan à hauteur de l'Abbaye de Flône, aujourd'hui transformée en école. Pas de chance, on arrive à l'heure de la récré et des multitudes d'élèves, filles et garçons, traversent la route devant nous, la plupart du temps sans regarder. On suit le copain ou la copine, le téléphone à la main ou à l'oreille… «La technologie n’a que l’âme de celui qui s’en sert, disait François Mitterrand». Et il n’avait pas tort…

La route serpente à travers bois et grimpe vers les hauteurs de Stockay et Saint-Georges, où nous attend le splendide château de Warfusée, qui ne se visite malheureusement pas, hormis en groupe et sur rendez-vous. Mais le site est absolument somptueux. C'est un édifice en carré, entouré d'un vaste parc agrémenté d'un étang. Le château et ses annexes, dont l'orangerie, sont classés patrimoine immobilier exceptionnel de Wallonie. Note itinéraire s'infléchit ensuite au nord-ouest, vers les vastes plaines limoneuses de Hesbaye. Après avoir traversé Saint-Georges, il enjambe l'autoroute de Wallonie (E42). C'est un peu trop rectiligne à notre goût mais patience… Nous bifurquons bientôt à gauche, vers Chapon-Seraing. Après une brève incursion sur la N65 reliant Faimes à Ampsin, nous piquons plein ouest vers Warnant-Dreye.

Un des plus beaux villages de Wallonie

Warnant-Dreye fait partie des plus beaux villages de Wallonie et, si vous voulez notre avis, ce n'est que justice. Avec ses fermes mi-bastions mi-exploitations agricoles, le village témoigne des dures luttes que l'homme a dû mener ici pour la possession du sol. La création de Warnant-Dreye remonte au haut Moyen Âge, lorsque nos ancêtres ont défriché cette région pour exploiter les terres si fertiles de Hesbaye dont nous côtoyons ici l'extrémité méridionale. La Hesbaye, nous allons à présent y plonger (enfin, façon de parler, parce que côté relief on est plus proche des Pays-Bas que de l'Ardenne…) puisque nous arrivons à Vieux-Waleffe, petit village agréablement fleuri, fier de ses maisons datant du XVIIe et XIXe siècle, et qui vaut surtout le détour pour son château-ferme. C'est dans ce village qu'est né le grand écrivain régional Hubert Krains, dont les œuvres méritent d'être redécouvertes. À quelques coups de gaz, voici Fumal, tapi au fond d'une cuvette que traverse la Mehaigne. Les lieux sont dominés par l'église et le château, plantés sur un éperon rocheux. À Fallais vous attend un autre château remarquable, qui est aussi un endroit historique: c'est ici en effet qu'en 1465, Charles le Téméraire, traînant son prisonnier Louis XI, roi de France, rencontra Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège. Ce château en quadrilatère, entouré de douves, possède 4 tours d’angle en saillie. Il constitue un bel exemple de forteresse de plaine.
 

Ah, la Burdinale…

Après avoir parcouru quelques kilomètres au milieu de vastes prairies et de champs immenses voués à la culture intensive, voici que se profile devant nos roues une agréable récréation motocycliste: la vallée de la Burdinale. Ce petit affluent de la Mehaigne est longé de routes tout ce qu'il a de sympa. Ça tourne, ça monte, ça descend… bref, tout ce qu'on aime. Mais restez vigilants et ne commettez pas l'erreur de vous croire seuls au monde. Quand on tombe face à face avec un bus des TEC, en s'extrayant d'une courbe serrée, il y a de quoi se faire une bonne chaleur sur ces petites voies étroites où, par endroits, deux voitures peuvent tout juste se croiser. Les petits villages charmants se succèdent et par Vissoul et Lamontzée, nous arrivons à Burdinne, presque à la limite avec la province de Namur. Une halte s'impose à la Maison du Parc Naturel des Vallées Burdinale et Mehaigne, au centre du village. Elle s'est installée dans la Ferme de la Grosse Tour, une imposante construction en quadrilatère, actuellement en cours de restauration. Cette architecture avait été choisie à l'époque pour se protéger des pillards et autres militaires en campagne… Pour quitter Burdinne, il faut suivre la direction de Héron, village sis sur la nationale reliant Huy à Eghezée. Soyez attentifs à la navigation, pas toujours évidente…Les kilomètres se succèdent agréablement jusqu'au croquignolet village de Lavoir, dont l'église Saint-Hubert, juchée sur une éminence, se voit de loin. Cet édifice a été bâti au XVIIe siècle sur les vestiges d'un sanctuaire médiéval. En contrebas de la route, le Moulin de Ferrières, construit en moellons de calcaire, semble prêt à durer des siècles encore…

Chez Zénobe

On retrouve ensuite l'aimable vallée de la Burdinale à Oteppe. Notre balade se poursuit par Marneffe (centre pénitentiaire) et Huccorgne ou l'on passe sous l'impressionnant viaduc de l'E42. On arrive alors à proximité du château de Moha. Édifiée sur un promontoire et renseigné dès 1031, la forteresse primitive aurait été construite pour se protéger des envahisseurs normands. Par les hameaux de Wanzoul et Rouha, qui possèdent diverses maisons anciennes en pierres du pays, dont la particularité est de blanchir sous l'effet des intempéries, on gagne Vinalmont, tout proche de Huy. Vinalmont, aux portes du plateau hesbignon, devrait son nom aux vignes qui ont été jadis cultivées ici. Au sortir de la localité, quelques kilomètres de purgatoire (proximité de l'autoroute, zone artisano-industrielle…) rectiligne nous amènent en un lieu qui vaut vraiment le détour: la localité de Jehay-Bodegnée, qui a vu naître en 1826 un certain Zénobe Gramme. Si vous roulez à moto, c'est un peu grâce à lui, puisqu'il s'agit du père du premier générateur électrique, appelé à l'époque «Dynamo Gramme». C'est en fait l'une des inventions majeures de la révolution industrielle puisqu'elle a permis à la «fée électricité» de s'imposer en tous lieux, ou presque. À Jehay, la «Fontaine Zénobe Gramme», conserve le souvenir du grand homme…

À quelques coups de gaz de là, vous attend un autre must de cette BBB: le château de Jehay. Serti dans un écrin de verdure et entouré de douves, cet édifice de style Renaissance mosane est remarquable par sa façade en damiers où alternent pierres blanches et petits blocs de grès de couleur rouge… La balade se termine tout doucement. Les derniers kilomètres vous feront passer à proximité de l'ancienne Abbaye de la Paix-Dieu, dont les origines remontent à 1240. Par Amay et Tihange (on ne présente plus la centrale nucléaire, dont la fumée blanche se voit de très loin…), on regagne Huy, où les tables accueillantes ne manquent pas pour se sustenter à l'issue de cette demi-journée de route. Bonne route, bon amusement et prudence, toujours!