Le Brabant wallon prend de plus en plus des allures de banlieue de la capitale. Mais en cherchant bien, il est possible d'y trouver – pour combien de temps encore? – des routes bucoliques sinuant entre prés et bois ou suivant le cours bruissant d'une rivière vagabonde. Un programme bien agréable pour une balade de fin de saison.
Texte Philippe Bonamis et Jacques Berghmans
Photos Jonathan Godin
Avec l'amicale participation d'Eric Gérôme
Dès qu'il est question de Brabant wallon, les clichés se bousculent au portillon: dans le «Béwé», tout le monde serait plein aux as, arrogant et aurait dans le garage de sa villa à 1.000.000€, une imposante Audi ou BMW. La réalité est évidemment un peu différente même si, sur les routes de la dixième province – née en 1995 de la scission de la province de Brabant, désormais partagée entre Brabant wallon et Brabant flamand – la concentration de gros 4×4 conduits par de jolies petites madames très sûres d'elles se révèle sans doute supérieure à la moyenne nationale… Le Brabant wallon possède en fait de nombreux visages: dans la région de Nivelles, à l'ouest, l'ambiance rappelle celle du Hainaut tout proche alors que dans l'est, du côté de Jodoigne, ce sont des paysages plus ruraux que l'on rencontre. Entre les deux, la vaste agglomération formée par Wavre et Ottignies-LLN ne cesse de s'étendre, au point qu'y trouver des routes «à moto» pas trop fréquentées y est presque mission impossible…
Départ cité des Aclots
Le rendez-vous était fixé sur la Grand-Place de Nivelles, au pied de la célèbre Collégiale Saint-Gertrude. La Grand-Place est devenue aujourd'hui un semi-piétonnier et y circuler à moto ou en voiture demande de bien connaître les lieux. Si vous ne maîtrisez pas, retenez seulement qu'il faut quitter la Grand-Place en empruntant la rue de Saintes, où commence notre road-book. Par le boulevard de la Dodaine et le motel de Nivelles-Sud, nous rejoignons la route de Ronquières, au tracé sympathiquement sinueux mais au revêtement pas toujours excellent… À Ronquières, le fameux plan incliné, qui domine le paysage depuis 1968 est toujours là, tout comme le Vieux Canal, le long duquel il fait toujours bon musarder à pied ou à vélo. Mais comme vous êtes à moto, vous aurez déjà mis le cap au nord par la route qui longe le canal vers Fauquez. Après avoir franchi le pont métallique, on découvre le site des anciennes Verreries de Fauquez. Celui-ci porte encore la marque de son patron Arthur Brancart, qui avait créé ici maisons ouvrières, dispensaire, école, économat, etc. Une espèce de «cité idéale» où ne manquaient ni le cinéma (le bâtiment est toujours là et affiche le devise «bien travailler, bien s'amuser»… toute une époque!), ni la chapelle (voir encadré).
Après cette escapade «hors sujet» – Fauquez relève de la commune de Braine-le-Comte, en province de Hainaut – retour vers le Brabant wallon et Ittre, où le monument indiquant le centre géographique n'a pas disparu, bien que le centre de la Belgique se trouve aujourd'hui à Nil-Saint-Vincent, entre Wavre et Namur…
On continue vers Haut-Ittre par une route très sinueuse – gaffe aux nombreux virages masqués – et généreuse en dénivelé. Au centre de Lillois, on tourne à droite vers Promelles et on arrive à Loupoigne, village à vocation encore agricole, puis Houtain-le-Val. Quelques kilomètres rectilignes à proximité de la base ULM de Baisy-Thy, puis un bout de N5 nous amènent à l'embranchement menant à Villers-la-Ville. Non, on ne vous parlera pas de l'Abbaye et de ses ruines, ni de la Triple Villers à déguster au Chalet de la Forêt! Le but de cette BBB étant de vous faire découvrir le Brabant wallon autrement, nous avons délaissé volontairement les grands classiques pour privilégier des endroits moins courus, comme la mignonne petite chapelle du Try-au-Chêne par exemple, le long de la route qui conduit à Bousval.
Petit bout d'Angleterre
Après avoir traversé Genappe, notre itinéraire met le cap vers le nord et Glabais où la route qui conduit à Maransart est un régal. Vallonnée et faisant la part belle aux courbes moyennes, elle donne l'impression, l'espace de quelques kilomètres, de rouler dans la campagne anglaise. Profitons-en car en arrivant sur Lasne, l'atmosphère change du tout au tout. Lasne, qui fait partie des communes les plus riches de Belgique, est devenue une banlieue «chicos» de Bruxelles et sent beaucoup plus l'argent (qui, comme on le sait, n'a pas d'odeur…) que le purin! Dans cet environnement un peu frelaté, c'est vraiment un miracle qu'ait subsisté Renipont-Plage, un étang aménagé pour la baignade, comme on les appréciait voici 70 ou 80 ans! Totalement anachronique mais loin d'être désagréable à la belle saison. Par Chapelle-Saint-Lambert, on gagne ensuite les hauteurs de Lasne, du côté de la place de Renival et de la viroleuse route de Beaumont qui mène au petit hameau du même nom. Nous sommes à présent sur le plateau et Céroux-Mousty est tout proche. Le village de Céroux possède une agréable place triangulaire, bordée d'arbres, où les montgolfières prennent souvent leur envol en fin d'après-midi, lors des chaudes journées d'été… L'ancienne maison communale a été transformée en café-restaurant mais les lieux étaient fermés pour cause de congés annuels lors de notre passage (ce qui n'était malheureusement pas renseigné sur le site web de l'établissement…). Nous qui pensions manger un bout ici, nous en avons été pour nos frais… Nous avons donc emprunté en vitesse la N25, après avoir traversé Court-Saint-Etienne, histoire de mettre rapidement derrière nous l'agglomération aujourd'hui presque d'un seul tenant constituée par Wavre et Ottignies-Louvain-la-Neuve.
Route des Six Vallées
Après avoir franchi le fameux (mais dangereux) rond-point dit «de Corroy», nous arrivons effectivement à… Corroy-le-Grand (à ne pas confondre avec Corroy-le-Château, entre Gembloux et Sombreffe). Nous empruntons pour un temps la «Route des Six Vallées», un itinéraire touristique qui part à la découverte de ce coin du Brabant wallon. La vallée que nous suivons est celle du Train. Entre Corroy et Gistoux, on trouvait par le passé de nombreuses cressonnières. Mais aujourd'hui, ça serait plutôt la tarte au sucre qui attirerait les gourmands dans le coin! Gistoux, un peu comme Lasne mais de manière moins marquée, a perdu pas mal de son caractère rural, ainsi qu'en témoignent les nombreuses boutiques à la mode et restaurants plus ou moins branchés. Ces derniers sont cependant les bienvenus pour les motocyclistes affamés que nous sommes…
Hesbaye brabançonne
Après un repas goûteux et sans chichi au Café de la Poste, nous mettons le cap vers de plus vastes étendues, celles des grandes plaines de la Hesbaye brabançonne, prolongement naturel des vastes étendues de Hesbaye namuroise et liégeoise. Mais avant ça, il faut passer par Bonlez. La route qui y mène depuis Gistoux est en travaux, ce qui nous contraint à faire le crochet par Dion-Valmont. Un petit détour de rien du tout et qui aura le mérite de nous réserver une belle descente sur Bonlez. Nous longeons au plus près le Train, par Morsain, avant d'arriver à Grez-Doiceau. Le centre du village est resté assez sympathique et convivial avec, notamment, une place où il fait bon s'arrêter… Mais pas trop longtemps, car il nous reste encore quelques bornes. Direction Jodoigne à présent mais par le chemin des écoliers! La traversée du Bois de Beaussart est un plaisir, avec quelques belles enfilades rapides et réjouissantes. À hauteur de la base aérienne de Beauvechain – crée par les Allemands durant la Deuxième Guerre mondiale – on bifurque en direction de Namur mais sur à peine plus d'un kilomètre. Le temps de longer les vergers de la Chise (pommes, poires…) et l'on quitte la nationale vers Happeau, par une petite route en assez mauvais état, étroite et gravillonneuse. Mais la campagne est bien jolie…
Avant d'atteindre Jodoigne, toujours dominé par son fameux clocher hélicoïdal, ne manquez pas le détour par Mélin, classé parmi les plus beaux villages de Wallonie. Si l'arrivée sur le village est assez décourageante avec de nombreuses constructions récentes sans caractère, le centre est une vraie carte postale, avec ses maisons en pierre de Gobertange, et ses façades fleuries. Jodoigne se trouve maintenant à quelques kilomètres. Cette petite ville est restée assez provinciale: rien à voir avec Wavre ou Waterloo, par exemple… Et la localité n'a rien de tentaculaire, entourée de villages qui sont restés… des villages! Mais gaffe aux radars: l'entité de Jodoigne s’avère, dans la province du Brabant wallon, l'une des plus richement dotées en la matière! La plupart sont signalés mais rares sont les «boîtes» vides de pompe à fric. À bon entendeur…
À la limite
Notre itinéraire se poursuit en direction du sud-est et passe par Huppaye et Hédenge, où la jolie chapelle Saint-Feuillen, bâtie sur une butte, surplombe le village. Ses origines remonteraient au XIVe ou XVe siècles. La tour trapue jouait sans doute, à l'origine, un rôle militaire… Aujourd'hui, les lieux respirent le calme et la sérénité. Aussi, nous offrons-nous une petite sieste réparatrice dans le jardin qui entoure la chapelle. Carpe diem! Ravigotés, nous reprenons la route par Autre-Eglise, avant d'effectuer une petite incursion en terre namuroise, du côté de Taviers et Noville-sur-Mehaigne. Jusqu'en 1976, année de la fusion des communes en Belgique, cette dernière localité appartenait à la Province du Brabant. De nos jours, elle a intégré l'entité d'Eghezée, en province de Namur. La limite entre les deux provinces est ici matérialisée par l'ancienne voie romaine Bavay-Maastricht, le long de laquelle on peut encore apercevoir des tumuli (singulier: tumulus), c'est-à-dire des tombes de notables remontant à l'époque gallo-romaine. Sur votre droite, après Noville, vous apercevrez la tombe dite «d'Hottomont» (voir encadré) qui a donné son nom au village de Grand-Rosières-Hottomont. Notre balade touche maintenant à sa fin: Perwez, parfois appelé «Perwez-le-Marché» ou encore «Perwez-en-Brabant» (pour ne pas le confondre avec Perwez en province de Namur, à côté d'Ohey) est tout proche. Vous avez bien mérité d'y boire «le dernier pour la route», avant de rentrer à la maison, éventuellement par l'E411 qui passe à quelques kilomètres. Bonne route et prudence, toujours!
Merci à Sluse Motos, à Tilff, et à MV Agusta pour la préparation de la Turismo Veloce.
Arrêts gourmands
– On ne semble guère matinal dans la Cité des Aclots: à 9h30, la plupart des cafés et bistrots de la Grand-Place de Nivelles affichent porte close. Seul le café «La Bourse» (où ont régulièrement lieu des concerts) était ouvert lors de notre passage. Bon accueil, ambiance décontractée et service diligent. Que demander de plus pour le petit kawa du matin? Parking possible de 3 ou 4 motos, à quelques dizaines de mètres, sur le trottoir du rond-point qui donne sur la rue de Saintes…
Café La Bourse, rue de Namur, 1 à 1400 Nivelles. Tél.: 0477/09.98.97.
– À Gistoux, le Café de la Poste est une bonne adresse qui propose, entre 11h30 et 14h, un lunch à 19€ et un plat du jour à 12€. Cadre agréable, cuisine de bonne facture et service sympa. Et en plus, c'est juste devant la Pâtisserie Desomer, l'adresse par excellence pour les amateurs de tartes: fruits, riz, fromage et, surtout, sucre. Un must… mais pas facile à ramener à moto! La tarte au sucre qui a «transpiré» dans le top-case sur vos gants de rechange et votre pull tout neuf est un grand classique qu'il vaut mieux éviter… Pour revenir au Café de la Poste, il a tout de même un inconvénient: il est fermé le samedi et le dimanche! Mais heureusement, ce ne sont pas les maisons de bouche qui manquent à Gistoux, sur la chaussée de Huy, ni à Grez-Doiceau où cette institution qu'est la Brasserie Edouard reste un incontournable… ouvert 7 jours sur 7!
Café de la Poste, 243 chaussée de Huy à 1325 Chaumont-Gistoux. Tél.: 010/68.82.42, www.cafedelaposte.be.
Carnet de route
– La Chapelle de Verre: c'est en 1915 qu'un certain Arthur Brancart acquiert les Verreries de Fauquez. Patron «social», il se préoccupe des conditions de vie de son personnel: logements gratuits, coopérative d'achat garantissant les prix les plus bas de la région, école maternelle et primaire, salle de cinéma, dispensaire, etc. En 1930, il dote le village de Fauquez d’une chapelle, construite pour une bonne part en marbrite, un ersatz de marbre fabriqué au départ de verre opacifié teinté dans la masse. Arthur Brancart a fait construire cette chapelle pour ses ouvriers mais aussi pour servir de vitrine à ses produits. En effet, la marbrite habille le bâtiment du sol au plafond. Les 19 vitraux ont été réalisés aux Verreries de Fauquez. Après avoir hébergé une sympathique crêperie, qui semble avoir disparu sans crier gare, les lieux sont devenus une salle de spectacle mais abritent aussi un petit musée présentant différents objets en verre.
La Chapelle de Verre, rue Arthur Brancart, 100 à 7090 Braine-le-Comte. Tél.: 067/64.88.93, www.chapelledeverre.be.
– L'ex-centre de la Belgique, à Ittre: avant 1919, c'est dans ce petit village de l'ouest du Brabant wallon que se trouvait le centre géographique de la Belgique, ainsi que l'atteste le monument sur la place. Depuis le traité de Versailles et l'intégration au pays des cantons d'Eupen, Sankt-Vith et Malmédy, le centre de la Belgique s'est déplacé à Nil-Saint-Vincent dans la commune de Walhain-Saint-Paul. Voir à ce sujet la BBB «Ruée vers l'Est», publiée dans notre édition du mois d'avril.
– La Chapelle du Try-au-Chêne, à Bousval: cette petite chapelle construite en 1608 plantée au milieu des champs, s'abritait sous un gros arbre (qui n'était pas un chêne…) lequel a été détruit par une tempête en 2010. Un nouvel arbre, encore bien jeune, lui a succédé depuis 2012. Pas d'architecture grandiloquente ou de trésors de l'art ici mais simplement la sérénité des lieux, miraculeusement préservée dans ce Brabant wallon qui s'urbanise à vitesse grand V. Le mot «Try» signifie en wallon une pâture ou une jachère communale, une friche ou encore une terre inculte. Jadis en briques nues, la chapelle a été tout récemment peinte en blanc.
– Renipont-Plage: un truc incroyable qui vous ramène d'un coup 70 ans en arrière, au moins! Ici, la Lasne alimente un grand étang où il est possible de se baigner à la belle saison. Il y a tout ce qu'il faut: plage, jeux pour enfants et même d'antédiluviennes cabines de bain. L'endroit a été très fréquenté pendant la guerre et dans les années qui ont suivi la Libération, alors que l'accès à de nombreuses parties du littoral belge avait été interdit par l'occupant allemand. Ouvert tous les jours à 11h (fermé le mardi hors saison). Buvette et restauration sur place de 12h à 20h30 non stop. Entrée: 6€ (moins de 6 ans: 5€).
Renipont-Plage, rue du Pont, 5 à 1380 Lasne. Tél.: 02/652.30.39, www.proxiclic.net/renipont.
– La Place de Céroux: cette vaste et belle place, de forme triangulaire, fait souvent office, en été, de lieu de décollage pour les montgolfières. Un spectacle magnifique qu'on ne peut contempler que par temps calme, les ballons à air chaud n'appréciant que très peu les vents trop forts.
– Mélin, l'un des plus beaux villages de Wallonie, à 6 km de Jodoigne est un hymne à la pierre blanche locale, la «pierre de Gobertange» qui, dans les maisons du village, se marie idéalement avec la brique. La petite place triangulaire est des plus croquignolettes. Le village est arrosé par le ruisseau de Gobertange et ses multiples affluents. À la belle saison, les façades fleuries complètent un tableau des plus charmants.
– La Tombe d'Hottomont, à Grand-Rosières: sur l'ancienne «Via Aggripa» reliant Bavay à Maastricht, à l'actuelle limite entre les provinces de Brabant wallon et de Namur, on peut voir un tertre boisé, un peu incongru en ce pays de grandes plaines. C'est la «Tombe d'Hottomont», une sépulture de notable remontant à l'époque gallo-romaine. On trouve plusieurs tombes de ce genre dans la région, notamment du côté de Forville, dans l'entité de Fernelmont.