C'est une jolie virée, pas trop longue et presque à côté de chez vous, que nous vous proposons. Une bonne centaine de bornes, de Huy à Huy, pas plus. Elle sera pourtant l'occasion de nombreuses découvertes, tout au long de routes croquignolettes que bien peu de motocyclistes connaissent.
Autant le dire tout de suite, ce mois-ci nous ne faisons pas dans le franchement roulant. Quelques passages de cette BBB permettront certes à votre monture de se dégourdir la ou les bielle(s), mais d'autres sont clairement adaptés aux motos légères et aux trails, beaucoup moins aux sportives et aux grosses GT… Voilà, vous êtes prévenus! C'est donc à Huy, fille de Meuse, que nous démarrons, là précisément où nous vous avions abandonnés à l'issue de notre itinéraire consacré aux côtes cyclistes. On commence gentiment, d'abord pour chauffer les mécaniques et ensuite pour ne pas se faire flasher bêtement sur la rive droite de la Meuse, en roulant vers Ahin. Mais ce purgatoire ne dure que quelques brefs kilomètres. Dès qu'on attaque la N698 en direction de Ohey et Ciney, le plaisir du pilotage reprend ses droits sur une route qui semble échappée d'un col alpin.
En entrée de courbe, avec nos petites MZ à moteur 2T, il faut «rentrer» deux rapports (au moins!) pour ne pas laisser tomber le régime trop bas… «Zim, bim, bim, bim…», la sonorité de nos machines étonne les passants, qui ne sont plus guère accoutumés à croiser des motos de route à moteur 2T. Vous vous marrez? Je sais, vous avez lu le Joe Bar Team et vous pissez sur les cylindres à trous qui puent… Patience, vous allez moins rire dans les prochains kilomètres avec votre rutilante 4 cylindres du 21e siècle! Une fois sur le plateau condruzien, juste après être entré en province de Namur, on bifurque vers la gauche et on met le cap sur le château d'Hodoumont, dont les origines remontent à plus de 1.000 ans. C'est un domaine privé qui ne se visite malheureusement pas, mais le site, isolé du village de Jallet, est absolument unique et respire la sérénité. Il est du reste traversé par un ruisseau qui s'appelle la Flemme, ça ne s'invente pas! Les kilomètres suivants, par Libois et Tahire, sont tout aussi bucoliques et apaisants.
Gué, gué, dessus le gué…
Pour gagner Saint-Fontaine, notre deuxième château condruzien, on peut couper par un chemin forestier très praticable par temps sec (en précisant que c'est illégal) avec une moto légère ou un trail, mais à déconseiller avec votre nouvelle «FJZXRT» 1200 4 cylindres à un million de soupapes et injection électrocosmique, payable en 60 mensualités… Dans ce cas, suivez le road-book et faites le détour par Ossogne. L'entrée dans le mignon et minuscule petit village de Saint-Fontaine est marqué par un gué qu'il vous faudra franchir, eh oui! Vous qui rigoliez, vous comprenez pourquoi nous avons sorti nos MZ de la naphtaline? Une fois cet obstacle (pas bien méchant) derrière nous, on arrive dans le parc du château de Saint-Fontaine dont on aperçoit la façade arrière. On a l'impression d'être dans le Kent ou les Cotswolds, en Angleterre, certainement pas en Wallonie. Etonnant! Notre itinéraire continue à tournicoter gentiment, par Pailhe, Les Avins (dont la gare vous transporte en Allemagne de l'Est l'espace de quelques secondes. Avec les MZ devant, on s'y croirait, hein cher camarade du Parti!). Mais voilà que, peu après avoir quitté Petit-Avin, se profile, en remontant le cours du Hoyoux, le château du même nom. Encore une propriété privée! Encore une bâtisse qui ne se visite pas (sauf peut-être, comme pour les autres, lors des Journées du Patrimoine), mais le site est fabuleux. La route traverse, le plus légalement du monde, un parc merveilleux et l'on passe devant de superbes maisons de pierre grise, dont certaines ont été transformées en gîte. Vraiment un coin idéal pour se mettre au vert, loin du bruit et de la pollution urbaine.
Notre itinéraire continue ensuite vers Bois-et-Borsu, où l'on croisera la grosse N63 Liège-Marche. Attention à sa traversée, dangereuse, qui peut surprendre si l'on n'est pas attentif, surtout après avoir parcouru des routes aussi peu fréquentées que celles du début de cette BBB! Heureusement, cette autoroute qui ne dit pas son nom, sera très vite délaissée. Nous replongerons dans les vertes campagnes pour aller à la rencontre du château de Vervoz, sur la commune d'Ocquier. Encore un bel édifice, en parfait état, mais qui, une fois encore, est fermé au public. Les lieux appartiennent à la famille de Tornaco depuis plusieurs générations. Mais les origines de Vervoz sont bien plus anciennes puisqu'il y avait déjà ici un «vicus», située sur l'axe Tongres-Arlon, à l'époque romaine! L'ensemble est constitué du château, bien sûr, mais aussi de nombreuses dépendances et d'une chapelle. Les maisons voisines, avec ici aussi quelques gîtes sympathiques, ne manquent pas non plus d'intérêt…
Tot tûzant, mossieû, tot tûzant!
Ocquier n'est plus maintenant qu'à quelques coups de gaz. Sur la sinueuse N638 qui conduit à Hamoir, nos MZ 250, malgré leur conception antédiluvienne, leurs petits pneus riquiqui et leur 19 (pour la TS, la bleue) ou 21ch (pour l'ETZ, la blanche) s'en donnent à cœur joie. A condition de ne pas les brusquer et d'enrouler les virages, elles permettent de maintenir une cadence honorable, qui en étonnera plus d'un. Aussi est-ce rapidement que nous atteignons Ouffet, où Jacques ravitaille par précaution. Le réservoir de sa TS ne contient que 12 petits litres. Devant des motards aux yeux ronds, qui roulent en Béhèmes et grosse Japonaises, il sacrifie au rite du mélange. Et quand les mecs nous voient kicker nos deux «Estoises», c'est tout juste s'ils ne nous demandent pas des autographes!
Qui aurait cru qu'un jour on frimerait en MZ?! Allez, c'est reparti! A fond, ce qui doit bien faire flirter l'ETZ avec les 120km/h «vrais», nous dépotons sur la rectiligne N638 vers Anthismes. Voilà encore un bon côté de ces motos à deux balles: on a de sensations sans risquer de perdre son permis! Quelques bornes plus loin, notre parcours, qui revient tout doucement vers Huy, se fait plus sinueux, du côté de Tavier (sans «s», avec, c'est près d'Eghezée!). Nous marquons une pause à hauteur de la Ferme Van den Bergh, où un automate nous propose lait frais et beurre salé ou non salé à des prix aussi vrais que les tachymètres de nos MZ (alors que les motos actuelles, c'est une obligation légale, annoncent toujours une vitesse légèrement, voire même franchement supérieure à l'allure réelle). Envie de poser un geste «citoyen» et de faire un pied de nez aux Eurocrates qui tuent à petit feu nos agriculteurs et éleveurs? Même si c'est une goutte d'eau dans la mer, achetez leurs produits en direct! Ça ne sert à rien? Peut-être. Mais si vous ne faites rien, vous pouvez être sûrs que d'ici dix ans ce genre de ferme familiale ne sera plus qu'un souvenir en Wallonie… Ce qui serait franchement dommage. Nous rejoignons ensuite, sur quelques petits kilomètres seulement, rassurez-vous, la N63 Liège-Marche que nous emprunterons vers la capitale de la Famenne pour bifurquer bien vite vers Abée et Ramelot. Quelques petits virolos encore et nous arrivons à Pont-de-Bonne.
A deux bornes d'ici, le château de Modave vaut la visite. C'est ici qu'un certain Renkin Sualem, natif de Jemeppe-sur-Meuse, créa, fin du 17e siècle, une extraordinaire machine hydraulique, qui amenait les eaux du Hoyoux au château, 50 mètres plus haut. Cette machine est l'ancêtre de celle que Sualem construira plus tard à Versailles, pour un certain Louis XIV, excusez du peu! En juin 1680, après un an de travail, ceux que l'on appelait les «charpentiers liégeois», sont parvenus, avec la fameuse machine de Marly, à amener l'eau de la Seine au palais du Roi Soleil. Et lorsque ce dernier demande à Sualem comment il a pu exécuter pareille œuvre alors que ses plus habiles ingénieurs n'ont pas été capables d'en concevoir le projet, Sualem, qui ne parle que le wallon, répond modestement au Roi: «tot tûzant, mossieû, tot tûzant» (en réfléchissant, monsieur, en réfléchissant).
C'est à Pont-de-Bonne, plutôt qu'à Huy, que nous profitons de la douceur du soir devant une assiette bien remplie, avant de boire la dernière (de Schweppes, qu'est-ce que vous croyez!) Puis nous enquillons la sympathique vallée du Hoyoux, bien revêtue et peu avare en virages sympathiques. De quoi se faire plaisir, surtout quand la sonorité prolétarienne, mais dynamiquement désuète, de l'échappement et, surtout, de l'admission du monocylindre est-allemand, vous revient en pleine tronche, renvoyée par le rocher! Essayez et vous verrez!
Arrêts gourmands
Une fois n'est pas coutume, c'est après cette balade d'une demi-journée que nous avons cassé la croûte. Que ce soit le midi ou le soir, Pont-de-Bonne, halte bien connue des motards, propose bien des possibilités de se restaurer au calme, loin de l'agitation urbaine…
L’Hôtel des Touristes nous a ravis d'une cuisine simple et roborative (pâtes, steaks, etc.) à des prix corrects et assortie d'un service sympa. C'est ouvert tous les jours de 12 à 14h et de 18h30 à 21h, mais il est prudent de réserver si vous êtes nombreux. Une adresse à retenir! Hôtel Des Touristes, Vallée du Hoyoux, 4 à 4577 Modave. Tél.: 085/41.15.05. www.hoteldestouristes.be
Un peu plus cher, le Pavillon du Vieux Château, toujours à Pont-de-Bonne, propose une cuisine régionale simple, mais de qualité. Spécialités de truites et d'écrevisses. Menus à 23€ (midi) ou 34,90€. Fermé les lundi, mardi, mercredi soir et jeudi soir. Le Pavillon du Vieux Château, Vallée du Hoyoux, 9 à 4577 Modave. Tél.: 085/41.13.43. www.lepavillonduvieuxchateau.be
Franchement chicos, la Roseraie, à 200m de Pont-de Bonne en direction de Liège, est une référence gastronomique dans la région. Cadre classieux et reposant. Cuisine superbe, mais prix en rapport. Fermé le lundi et le mardi. La Roseraie, route de Limet, 80 à 4577 Modave. Tél.: 085/41.13.60. www.laroseraiemodave.com
Envie d'une bonne glace après avoir roulé dans la chaleur estivale? Avant de partir à la conquête de Bruxelles, c'est ici, à Pont-de-Bonne, que le réputé glacier Capoue a commencé. Et il est toujours là, à quelques dizaines de mètres de l'Hôtel des Touristes…