Dans le segment all-road, voici l'affrontement des deux principales prétendantes au trône suprême. Lieu de la bataille: la vallée de la Loire, le jardin des Rois de France. Une région regorgeant de châteaux et proposant une combinaison d'autoroutes, de petites routes sinueuses… et même un peu de boue. Un banquet royal pour un duo très noble.
La Loire, c'est la destination parfaite pour un trip de quelques jours. Figurant parmi les plus belles régions de France, la Loire associe nature, culture et gastronomie. Sans égaler celles des Alpes, ses routes serpentent joyeusement au fil des collines. La Loire, c'est aussi une frontière théorique entre le Nord et le Sud. La population locale affirme que les températures y sont déjà nettement plus agréables qu'à Paris. Ce n'est donc nullement un hasard si les cours des Rois de France venaient y apprécier cette météo quand elles étaient fatiguées de l'atmosphère parisienne et des jérémiades de sa population miséreuse. Le seul point noir de la Loire, finalement, c'est que le voyage depuis Bruxelles représente quand même plus de 500km par autoroute. Et qu'il faut se «taper» le périphérique parisien.
Mais notre passage dans cet enfer potentiel s'est plutôt bien déroulé au guidon de nos deux mastodontes. Et le terme mastodontes n'a pas été choisi au hasard. Béquillées, nos machines paraissent bien imposantes. La plus impressionnante reste quand même la nouvelle Béhème. Avec ses protections latérales, elle semble encore plus large que la KTM. De face, elle inspire tout simplement le respect. L'autrichienne en impose également mais ses épaules un peu plus tombantes dévoilent une architecture très différente. La silhouette de la KTM est plus sportive et plus basse, même si son réservoir est tout aussi volumineux et si son pare-brise n'a rien à envier à celui de la BMW.
Confort différent
Dans la pratique, la différence saute tout de suite aux yeux. Sur l'autoroute menant à Paris, nous avons largement le temps de sauter d'une moto à l'autre. Avec des selles initialement dans leur position la plus basse, la différence se remarque d'emblée au niveau de l'angle des jambes. La GS offre bien davantage d'espace pour les genoux. La position de conduite sur la KTM est aussi plus sportive. En position haute, sa selle garantit un espace aux jambes plus que suffisant. Et chacun des deux essayeurs y trouve parfaitement son compte. Mais elle ne parvient pas à égaler la position de conduite parfaitement naturelle de la GS. Idem pour le confort général. L'allemande fait un peu mieux dans tous les domaines. Le tronc est bien protégé du vent et les turbulences autour du casque sont absentes. Exempt de vibrations, son moteur n'entrave en rien le confort. La KTM, elle, doit par contre composer avec quelques vibrations. Mais cela reste des good vibes. Dès 4.500 tours, celles-ci augmentent de façon exponentielle, ce qui incite instinctivement à monter les rapports. La protection contre le vent s'avère aussi nettement moins efficace. Quelle que soit la position du pare-brise réglable, le casque est un peu secoué. Comme les épaules. Surtout pour les larges gabarits. La poignée de gaz est tellement souple qu'un léger coup de vent au niveau des épaules se répercute d'ailleurs sur l'accélérateur. Enfin, pour les fessiers, la selle de la GS est aussi tout simplement plus souple et plus confortable. Fidèle à sa tradition, KTM a opté pour une selle plus ferme. Et après quelques heures, ça se ressent.
Glissade harmonieuse
Au-delà de ces facteurs ergonomiques, la partie-cycle joue aussi un rôle majeur dans le confort quasiment parfait de la GS. La BMW et la KTM disposent d'un amortissement adaptatif à la pointe de la technologie. En plus de pouvoir les configurer au moyen d'une simple pression sur un bouton, leurs suspensions s'adaptent instantanément à la qualité du revêtement. Sur la 1290, la plongée au freinage est même quasiment totalement compensée par la fourche électronique. Chez BMW, c'est naturellement déjà le cas grâce au Telelever. Si les deux systèmes se montrent efficaces, celui de l'allemande conserve un léger avantage. Que ce soit en mode Sport ou Confort, la KTM reste assez ferme. Les différences entre les modes sont moins franches. Chez BMW, on a clairement opté pour un amortissement de base bien plus souple. S'il se raidit progressivement au fil des modes, il ne devient jamais ferme. Sur autoroute, la GS glisse bien plus harmonieusement sur le revêtement, la KTM étant plus directe et moins douce avec le corps et les membres. Bref, pour les longs trajets sur autoroute, la GS est parfaite. Si vous désirez descendre jusqu'à Rome ou Burgos, vous pourrez le faire tout aussi bien avec la KTM mais vous arriverez un peu plus frais avec l'allemande. D'ailleurs, pas besoin d'aller si loin: en arrivant à Blois, vous pourrez déjà sentir la différence.
Inimitable allemande
Vous pourriez supposer que l'autrichienne prend l'avantage sur les petites routes, où ses suspensions plus sportives pourront s'exprimer idéalement. Mais si vous mettez la GS en mode Sport, elle devient aussi très précise dans les courbes, combinant alors de façon inégalable confort et sportivité. Sans démériter pour autant, la 1290 rencontrera simplement un peu plus de difficultés à convaincre le motard exigeant. La suspension adaptative fait son boulot sans sourciller… mais avec quelques bruits mécaniques. En passant sur les trous profonds, on a même l'impression que la tête de fourche bouge. Il n'en est rien. On ressent simplement le bon fonctionnement du système alors qu'il est indécelable sur la GS. Tout ce que l'on perçoit au guidon de la BMW, c'est un léger choc au niveau des repose-pieds quand l'électronique entre en œuvre. Mais on s'y habitue bien plus vite qu'au mouvement du guidon sur la KTM. Attention, ce sont des critiques portant sur des détails. Les deux machines évoluent à un niveau particulièrement élevé. Si elle n'était pas directement comparée à la BMW, nous porterions certainement la KTM aux nues. L'objectif d'un comparatif entre deux motos de cette qualité, c'est aussi de mettre le doigt sur les petites différences.
Cavalerie autrichienne
S'il est une différence moins sommaire, c'est assurément la puissance du moteur. Surtout sur le papier, l'autrichienne laisse l'allemande très loin derrière elle. 35 chevaux, c'est une écurie complète! Et sur la route, la KTM affiche clairement ce surplus. Les accélérations de la BMW sont généreuses. Mais celles de la Super Adventure coupent le souffle! Sans les aides électroniques, elle enfume encore l'air en troisième. Et quand tous les systèmes sont activés, elle bondit en avant de manière toujours parfaitement contrôlée. Un pur-sang facile à dompter. Sa puissance, ample, la béhème la déploie avec vigueur. Si l'on avait parfois reproché à sa devancière de se montrer un peu trop sage, cette critique a disparu avec l'apparition des boxers BMW de nouvelle génération. Bien rempli, le bloc de la GS offre même un ressenti plus agréable que le moteur de la KTM, même si celle-ci dégage ces bonnes vibrations qui feront grimper votre taux d'adrénaline. Ces deux motos appartiennent en fait à deux mondes différents et génèrent des sensations différentes. Pour la majorité des motards, exploiter le potentiel de la KTM n'aura rien d'évident. En France aussi, les radars poussent comme des champignons. Et il est devenu impossible de titiller la zone rouge sans risquer de faire mal à votre compte en banque. Ou pire encore. Ce potentiel, vous ne pouvez de toute manière l'exploiter qu'à moitié. Frustrant. Sur la GS, ce sentiment est donc moins omniprésent. La question reste donc de savoir si cette différence de puissance offre une réelle valeur ajoutée dans la pratique…
Comportements souverains
Sur la route, la puissance de la Super Adventure se gère facilement. Et sur ce superbe terrain de jeu que représente la Vallée de la Loire, alternant nationales bien larges et petites départementales suivant les ondulations du paysage, nos deux duellistes sont un régal, combinant stabilité et agilité que l'on n'attendrait guère de tels gabarits. Leur comportement souverain met directement en confiance, quelle que soit la qualité du revêtement. L'électronique veille au grain face aux dangers potentiels, qu'il s'agisse de graviers ou de boue. À cet égard, la BMW se montre un peu plus réactive que la KTM. Peut-être la conséquence d'un guidon plus large et de masses plus centralisées… La GS a besoin d'un effort moindre au guidon pour changer de direction et elle bascule aussi plus rapidement. Le sentiment général d'équilibre est donc un cran plus élevé. La suspension active de la KTM a, quant à elle, tendance à gommer totalement l'effet de plongée au freinage. En passant d'une machine à l'autre, on ressent un peu plus les mouvements de la partie-cycle en freinant ou accélérant énergiquement. Des différences cependant minimes que l'on ne remarque même plus après quelques kilomètres. Les deux motos possèdent des équipements équivalents pour le freinage et les performances sont du même acabit. Le frein arrière de la GS apparaît peut-être un peu plus puissant et mordant. Si les boîtes de ces deux modèles all-road affichent leurs qualités, celle de la BMW semble un peu plus souple. Peut-être l'effet du Gear Shift Assistant Pro issu du catalogue des accessoires. Petit à petit, la GS accumule donc les points positifs. Du moins jusqu'à l'arrêt à la pompe où elle se révèle un chouia plus gloutonne que sa rivale.
Conclusion
Voir des motos de cette réputation et de ce prix afficher des performances au-dessus de la moyenne confirme tout simplement la logique. Ce sont les reines de leur catégorie. Noblesse oblige, aucune de ces deux prétendantes au trône ne souffre de carences. Pourtant, il existe clairement une différence entre l'allemande et l'autrichienne. À ses évidentes qualités, la KTM ajoute caractère et adrénaline. Si elle se montre plus énergique, elle impose de supporter quelques vibrations et un peu plus de rudesse. Sur la GS, le confort est maximal. Cette voyageuse aventurière se rapproche lentement de la perfection. S'il fallait composer autrefois avec un moteur un peu léger, BMW a rectifié le tir avec le LC de nouvelle génération. Ce nouveau boxer répond aux attentes dans tous les registres. Ses points faibles sont difficiles à dénicher. Après mûre réflexion, on peut quand même pointer du doigt un compteur de vitesse difficilement lisible ou des rétroviseurs perfectibles. Et en pinaillant, l'ergonomie des commodos pourrait aussi être améliorée. En fait, le seul reproche que l'on peut formuler concerne son tarif de base de 17.000€. C'est moins cher que la KTM vendue à 18.348€. Mais la comparaison n'est pas équitable. De base, l'autrichienne est bien mieux équipée que l'allemande. La Super Adventure dispose ainsi de l'amortissement adaptatif, des poignées chauffantes, de la selle chauffante, de l'éclairage en virage, du régulateur de vitesse, d'une béquille centrale et de bien d'autres équipements. Si vous voulez la même chose sur la BMW, il faut faire son marché dans le catalogue des accessoires. Et le prix grimpe rapidement de 5.000€. À dotation égale, l'allemande est donc environ 3.500 euros plus chère. À vous de choisir votre reine!