Ça commence à sentir doucement la fin de saison, les gars! Les jours raccourcissent, les tracteurs en goguette maculent par endroits nos routes à moto d’une belle couche de boue, les matins sont friquets et les retours «à la fraîche» méritent bien leur nom. L’automne est là! Envie d’une dernière balade, avant le premier passage de la saleuse? On vous emmène entre Condroz et Ardenne, liégeois tous les deux.
Comme souvent les grandes idées, celle de cette balade est un peu le fruit du hasard. C’était il y a quelques semaines. On était en reconnaissance dans les Ardennes françaises, du côté de Signy l’Abbaye (sur la route des vacances, la fameuse D985, qui descend de Couvin à Rethel, vous visualisez?). Sur le coup de 11h 30, Tche (alias Thierry Dricot, notre photographe) nous lâche: «Les potes, on va s’arrêter là. J’peux pas travailler dans ces conditions!» Il faut vous dire que les dites conditions étaient quasi apocalyptiques: un ciel tout noir, des trombes de flotte parfois tellement fortes qu’on a dû s’abriter à plusieurs reprises dans la premier grange ou le premier hangar venu. Bref, une journée «sans» qui vous met inévitablement le moral dans les chaussettes.
Pour se le remonter (le moral, pas les chaussettes!), on décide d’aller casser la croûte à Launois-sur-Vence, au «Val de Vence», une adresse dont on vous a déjà parlé à l’occasion de notre BBB consacrée aux églises fortifiés de Thiérache. Devant une bonne assiette d’entrées variées, on revient doucement à la vie et la conversation roule sur les plaisirs de la table. Tche, en bon Liégeois, apprécie et on en vient à évoquer les spécialités culinaires de la Cité Ardente. Lorsqu’on lui demande où on peut manger les meilleurs boulets sauce lapin de Liège, il nous répond en toute simplicité: «Chez moi!» Et l’homme de nous inviter séance tenante en ajoutant: «Et pour l’itinéraire de la BBB qu’on fera le lendemain, je m’en occupe». Partir à la découverte des plus chouettes routes du Condroz et de l’Ardenne liégeois cornaqué par un authentique principautaire, avouez que c’est un plan qui ne se refuse pas. Et c’est comme ça qu’après avoir dégusté la meilleure salade liégeoise de notre carrière (pour les boulets, ce n’est que partie remise, nous a assuré Tche!), nous nous sommes retrouvés dans l’aimable petite cité de Ouffet, à la limite du Condroz et de l’Ardenne… Une ombre au tableau toutefois: malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à soutirer à Tche la recette de sa fameuse salade liégeoise, mais celle-ci aura eu un autre mérite, celui de fournir le titre de ce papier!
Le Néblon, c’est bon…
Le décor étant planté, il est temps d’y aller. Après avoir avalé le traditionnel café matinal au «Chrome», un établissement idéalement situé au premier croisement rencontré dans Ouffet quand on arrive de Huy (juste à côté de la pompe Esso, où vous compléterez les pleins, les possibilités de ravitaillement en carburant n’étant pas légion sur l’itinéraire), nous enquillons une partie de la jolie vallée du Néblon pour rallier Durbuy, après être passés à proximité de Tohogne. Tche ne s’est pas foutu de notre g… C’est du beau, du très beau, et du sinueux comme on aime! Un tracteur «code de la route connaît pas», nous donnera ici pas mal de fil à retordre. Il faut dire qu’il tractait non pas une mais deux immenses remorques. Le tout mesurait facile plus de 20m de long et était dépourvu de toute signalisation… Avec nos multiples arrêts pour les photos, il nous enquiquinera pas moins de trois fois, le gus! Avant d’arriver à Durbuy, nous marquons la pause devant un monument à la mémoire d’aviateurs américains abattus ici en 1944. Ils méritent bien une pensée en cette année du 70e anniversaire du débarquement de Normandie et de la Libération…
Durbuy nous tend à présent les bras: la plus petite ville de Belgique est un lieu ultra-touristique. Mieux vaut donc éviter de s’y rendre le week-end. Et n’oubliez pas vos connaissances dans la langue de Vondel: le néerlandais est devenu ici la langue véhiculaire ou presque… On ne pas détailler ici toutes les attractions touristiques de la ville (voir www.durbuy.be) mais signalons tout de même le Parc des Topiaires, au bord de l’Ourthe. L’occasion d’une pause aussi verte qu’apaisante… Pour les ceusses qui l’ignoreraient, les topiaires sont des sculptures végétales. Il s’agit d’un art très ancien dont les origines remontent à l’époque romaine. Il a ensuite quasiment disparu avant d’être remis à l’honneur lors de la Renaissance. Si le buis est naturellement l’une des plantes les plus fréquemment utilisées, d’autres espèces végétales se prêtent aussi très bien à cette pratique (if, laurier, houx…). Plus d’infos sur www.topiaires.durbuy.be
Au sortir de Durbuy, ne manquez pas de béquiller les motos: vous bénéficierez d’une vue plongeante et imprenable sur la localité et la vallée de l’Ourthe. Plus agréable que la ville en elle-même, à notre humble avis.
Barvaux-sur-Ourthe n’est plus qu’à quelques coups de gaz. Nous le traverserons rapidement pour aller angler dans la vallée de l’Aisne, connue pour son sympathique tramway touristique (voir www.tta.be) qui emprunte un tronçon d’une authentique ligne vicinale ardennaise. Sympa, mais ça c’est plutôt un truc à faire aux beaux jours, moins au mois de novembre. On passe en contrebas de l’impressionnant château de Blier, qui fait malheureusement face à un énorme et immonde camping. Pour l’intégration harmonieuse de ce genre de site en Wallonie, y a manifestement encore du travail…
Exit l’Ardenne touristique
Les routes se font (un peu) plus rectilignes du côté de Dochamps et Samrée, avec un bref passage sur la grosse N89, avant de recommencer à tournicoter de façon on ne peut plus sympathique vers Odeigne, Oster et Manhay. Quel bonheur de rouler à travers notre Ardenne en cet automne aux allures encore bien estivales. Les portions boisées sont un ravissement, mais évitez quand même la grosse attaque: un chevreuil qui traverse la route, ça s’est déjà vu… Nous on préfère l’idée d’«enrouler fort», c’est-à-dire une cadence dynamique, mais qui laisse une marge au cas où… Et puis, il n’y a pas que le gibier, il y a aussi les plaques de gravillons surprises. On en a d’ailleurs rencontré quelques-unes… L’Ardenne est ici beaucoup moins touristique que du côté de Durbuy ou La Roche et c’est bien mieux pour ce qui nous occupe: le plaisir de converser avec sa machine sur un bel itinéraire où elle pourra vous montrer ce qu’elle recèle de meilleur tandis que vous, de votre côté, vous vous appliquerez pour piloter votre moto proprement, comme elle le mérite.
Peu avant Bomal, où l’on retrouve la vallée de l’Ourthe, on passe à proximité d’Ozo et de sa chèvrerie où sont élevées depuis maintenant 25 ans des chères alpines «chamoisées». Amateurs de bons fromages, n’hésitez pas à faire le crochet (hors road-book). C’est ouvert toute l’année et c’est l’occasion de ramener à la maison des produits de qualité qui font honneur au terroir et au savoir-faire wallons. Plus d’infos sur www.chevreriedozo.be
En quittant Bomal-sur-Ourthe, pas de chance, la route que nous devons emprunter est fermée pour cause de travaux. Comme nous sommes en semaine et qu’il y a peu de monde, nous tentons le coup… Avec prudence, ça passe! On discute un peu avec les hommes du chantier qui nous apprennent que les travaux toucheront bientôt à la fin. Pas besoin de chercher une déviation pour vous, amis lecteurs! A Vieuxville, on abandonne la province de Luxembourg, («merveilleuse terre de vacances»), pour revenir en province de Liège («forcer l’avenir»). On continue sur Filot qui nous rappelle les bouquins de René Hénoumont, l’un des meilleurs écrivains «régionalistes» wallons (un régal pour ceux qui s’intéressent à la vie en Ardenne avant la Deuxième Guerre mondiale), et Hamoir, où nous retrouvons l’Ourthe qui, aujourd’hui comme hier, invite irrésistiblement aux plaisirs de la pêche à la truite… Hénoumont, aujourd’hui décédé, ne serait pas tout à fait perdu s’il revenait lancer sa ligne à Hamoir-Lassus.
Encore une couche
Peu avant Comblain-Fairon, il serait possible de couper au court pour revenir directement à Ouffet par la N66 et boucler la boucle. Mais comme ça nous laissait un goût de trop peu, on a préféré vous en remettre une tranche, et pas du banal, croyez-nous! Le village d’Anthisnes mérite une halte, notamment pour déguster, avec modération, of course, une excellente «Cervoise de l’Avouerie d’Antismes», la bière locale. Et l’Avouerie proprement dite est un bâtiment aussi moyenâgeux qu’impressionnant qui ne manque pas d’allure et abrite un intéressant Musée de la Bière et du Péket! Plus d’infos sur www.avouerie.be
Les derniers kilomètres de cette BBB vous verront passer par Poulseur et Esneux, où vous quitterez la vallée de l’Ourthe. Vous passerez ensuite par Tavier (sans «s»!) et Hody avant de vous enfiler la longue ligne droite qui vous ramènera à Ouffet. De là, Huy et l’E42 ne sont qu’à une vingtaine de bornes, par notre Sixty-Six à nous, hélas de plus en plus radarisée. Bonne route et bon amusement. Et surtout, prudence, toujours!
Arrêts gourmands
– A Ouffet, le Chrome est un bistro idéalement situé (tout près de la pompe Esso) pour attendre les copains en retard comme d’habitude et se marrer de leurs excuses à la c… (c’est mieux que de râler…) en sirotant un bon café! En plus, il y a un parking pour les motos juste à côté.
Le Chrome, 47 rue Mognée, 4590 Ouffet. Tél.: 086/36.75.36.
– C’est à Vieuxville, presque à la fin de notre itinéraire, que nous avons pris le repas de midi. Le Vieux Logis est une taverne-restaurant tout ce qu’il y a de sympa, installée dans une vieille bâtisse ardennaise datant de 1763. L’accueil de Félix et Catherine est sympa, il y a une terrasse aux beaux jours, vous pourrez garer facilement votre bécane et surtout, vous mangerez bien (spécialités ardennaises)! Attention, c’est fermé le lundi et le mercredi hors saison.
Le Vieux Logis, 1 route de Logne, 4190 Vieuxville. Tél.: 086/45.54.31 ou 0478/32.44.09