Depuis peu, l’ouest de la Province de Hainaut se présente à ses visiteurs sous le vocable WaPi, c’est-à-dire Wallonie picarde. Un néologisme qui se veut quelque peu baroque, ne sonnant pas spécialement bien à l’oreille. Néanmoins, cela ne nous a pas empêchés de mettre le cap sur Enghien, aimable cité située à une trentaine de kilomètres de Bruxelles et porte d’entrée de la Wallonie picarde.
Pourquoi Enghien? Tout bonnement parce que, personnellement, je n’y avais jamais mis les pieds, ni même posé les pneumatiques de ma bécane! Et autant vous le dire, tout de suite, c’était une erreur. Oui, ne pas connaître Enghien, c’est une erreur! Cette sympathique petite ville, facilement accessible par l’E429 Bruxelles-Tournai, vaut surtout pour son magnifique parc créé par la famille d’Arenberg. Considéré comme l’un des plus beaux jardins d’Europe au XVIIe siècle, ce parc paysager comporte différents jardins thématiques, des ouvrages d’eau et des bâtiments anciens qui ne manquent pas d’intérêt, à l’instar du Pavillon des Sept Etoiles, un belvédère baroque. A ceux qui affectionnent les espaces verts, signalons que la visite est payante, mais proposée au prix raisonnable de 3€ (+1€ avec audioguide). Bref, vous comprenez pourquoi nous avons choisi le parc d’Enghien comme point de départ de cette BBB. Autre atout, et non des moindres, soiffards que vous êtes, la sympathique place Pierre Delanoy, pleine de cachet, vous accueillera avec ses nombreux estaminets, cafés et autres bistros, à 30 mètres à peine!
Un extraordinaire hôtel-Dieu
Une fois avalé le café noir qui constitue pour nous, traditionnellement, le coup de l’étrier, cap à l’ouest, vers Lessines que nous rallions par de sympathiques petites routes de campagne du Brabant flamand. Eh oui, Enghien est situé sur la frontière linguistique et dès que l’on sort de la localité, nous voici en «Moeder Vlaanderen». Reste que l’itinéraire, qui passe par Biévène (Bever, en flamand), est plaisant: ça monte et ça descend, ça tourne aussi, mais le revêtement va du très bon au franchement pas terrible. Vous voilà prévenus! L’arrivée sur Lessines où nous revenons en terre wallonne («èmon nos-ôtes» comme on dit par chez moi…) est agréable aussi. On enjambe la Dendre par un pont mobile qui semble remonter à Mathusalem et… on se perd dans les rues de Lessines dont les sens interdits ont changé. Dis, Monsieur Tripy, c’est quand que tu fais une mise à jour de ta cartographie?
Il nous faut donc corriger notre trace initiale pour sortir de la ville, après être passé à proximité de l’Hôpital Notre-Dame à la Rose, dont la ville est très fière, et à juste titre. Cet hôtel-Dieu (comme le bal du même nom, hein les students…), c’est un peu nos hospices de Beaune à nous. Il s’agit d’un ancien hôpital dont les origines remontent à 1242 et qui a conservé son aspect des XVIe et XVIe siècles. Il retrace 8 siècles d’histoire de l’art de guérir dans une vingtaine de salles entièrement restaurées. N’allez toutefois pas croire qu’il s’agit d’un musée sympa mais un peu ringard. C’est tout le contraire! L’Hôpital Notre-Dame à la Rose peut se visiter avec une application iPhone disponible sur l’App Store et vous propose une boutique-librairie très fournie. Plus d’infos sur www.notredamealarose.com.
Ah, le Pays de Collines…
Après Lessines, la campagne retrouve rapidement ses droits et la route de Frasnes, aimablement sinueuse, qui traverse une campagne riante, serait bien agréable si son revêtement n’était pas aussi dég… radé(!) par endroits. Quelques coups de gaz et nous arrivons à Lahamaide, où l’écomusée du pays des Collines mérite un arrêt. Son estaminet ancien où le temps semble s’être arrêté et la «Maison Louise», juste à côté, vous feront découvrir la façon dont on vivait encore ici il y a 50 ou 60 ans. Alors prenez le temps, respirez et laissez votre smartphone dans votre sac de réservoir!
Notre itinéraire prend ensuite la direction du nord, vers Wodecq et Ellezelles, le pays des sorcières. On passe non loin du «Moulin du Mouflu» (www.mouflu.be) le restau et les chambres d’hôtes de charme de nos amis Michel et Bernadette Ledermann, une super adresse si vous voulez (bien) manger et (bien) dormir dans le coin. Avec Jaco, on se dit que ça fait un temps qu’on ne les a pas vus les Ledermann et voilà t’y pas que nous croisons Michel, au volant de son incroyable pick-up US décapotable, la tronche comme toujours fendue d’un large sourire. Il ne nous a pas reconnus sous nos intégraux, of course, et on n’avait pas trop le temps de s’arrêter, étant déjà à la bourre… Ce n’est que partie remise, j’veux dire… A Ellezelles, on marque la pause: il faut dire que le soleil tape dur et que nos estomacs commencent à se rappeler à notre bon souvenir. Mais les friteries devant lesquelles nous passons ne nous disent pas grand-chose… Qu’à cela ne tienne, c’est après avoir «escaladé» le Mont de l’Enclus (600ha de forêts), l’un des plus haut «sommets» de la région (une gentille colline, en fait…) que nous tombons un peu par hasard sur l’ agréable terrasse ombragée du restaurant «En passant» que l’on vous recommande si vous aimez la quiétude…
Autour de Tournai
Notre but avoué était de contourner Tournai par l’ouest, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Ce qui fut fait. Non que Tournai soit une ville qui manque de charme ou d’intérêt, mais le plaisir de la moto le week-end c’est plutôt hors des villes, non? Z’avez déjà pas assez d’embout’ comme ça? Après avoir dégringolé dans la plaine depuis le Mont de l’Enclus, les villages se succèdent: Pottes, Herinnes, Estaimbourg.… Nous abordons une campagne toute plate, pas désagréable, mais assez urbanisée. La frontière flamande est toute proche, puis, à partir de Néchin, c’est à la France que nous faisons face. Quoi, Néchin… ça ne vous dit rien? Mais oui, c’est ici que Gérard Depardieu a élu domicile pour fuir l’impôt sur la fortune de son pays natal. Un panneau devant un magasin attire notre regard: «cuvée Depardieu». La maison de Gégé est d’ailleurs toute proche, vous passerez devant. C’est une grosse demeure blanche sans caractère, du moins à l’extérieur, située dans une artère passante. A l’évidence, Depardieu ne vient pas souvent ici. Sauf quand il s’agit de se montrer devant les caméras. Et maintenant qu’il a un passeport russe, il préfère sans doute le beau pays de son copain Poutine…
Bon, après cette digression de poids, revenons-en à notre BBB. Le parcours longe à présent la frontière française, sans jamais la franchir et passe par Blandain et Lamain pour arriver à Rumes (sans «h»!) où nous pénétrons dans le «Parc Naturel des Plaines de l’Escaut». Encore des coins où vous n’avez sans doute jamais mis les pieds si vous êtes bruxellois, liégeois, namurois, ou ardennais… A La Glanerie, on s’arrête devant un monument rendant hommage au premier soldat américain arrivé sur le sol belge à la libération qui était un… motocycliste! Voilà qui explique sans doute pour une part l’affection qu’ont les plus anciens d’entre nous (mais pas qu’eux…) pour les Harley-Davidson. Vers Rongy et Bléharies, la campagne est paisible sous le soleil. L’ambiance est au farniente et à la rêverie… A Brunehaut, le trafic reprend ses droits. Cap ensuite vers Antoing dont le collège eut jadis pour élève un certain Charles de Gaulle, qui fut interne ici au collège jésuite, entre 1905 et 1908. De toutes petites routes nous conduisent ensuite à Pipaix, par Vezon et Wéaux.
Pipaix et ses brasseries
Pipaix, à quelques kilomètres de Leuze-en-Hainaut, est connu de tous les amateurs de bières. On ne présente plus la célébrissime et excellente Bush de Pipaix, la plus forte bière belge. Brassée chez Dubuisson («buisson» se dit «bush» en anglais…), c’est un produit aujourd’hui largement diffusé, ce qui n’était pas le cas voici 25 ou 30 ans. Certainement moins connue que Dubuisson, à côté de laquelle elle fait figure de petit Poucet, la «Brasserie à Vapeur», installée au cœur du village, doit son nom à son antique machine à vapeur du XIXe siècle, toujours utilisée de nos jours comme force motrice pour les activités de brassage. Des brassins publics sont organisés tous le derniers samedis du mois, mais ça commence tôt, ce qui rend cette visite difficilement compatible avec cette balade. Surtout que qui dit visite de brasserie dit obligatoirement… dégustation! Vous aurez le choix entre la Saison Pipaix, une bière de soif très désaltérante, la Vapeur en Folie, une blonde forte, et la Vapeur Cochonne (ça, c’est une bière pour le chef!), un breuvage doux et rond au palais mais assez épicé. Gare à l’embardée dirait l’inénarrable commandant De Nève, même s’il doit être aujourd’hui général, au minimum… Plus d’infos (sur la brasserie, pas sur le Commandant De Nève, bande de… ) sur www.vapeur.com.
Changement de registre à Beloeil où le château des Princes de Ligne et son domaine de 25ha sont un must incontournable. Quelle majesté! A voir absolument si vous ne connaissez pas. (www.chateaudebeloeil.com). Parfois appelé le «Versailles belge», le château est toujours habité par la famille de Ligne, et ce depuis le XIVe siècle! Si les bâtiments sont remarquables, les jardins à la française, dont le dessin original remonte à 1664, le sont aussi. Les derniers kilomètres avant de rejoindre Enghien et de «boucler la boucle» vous feront découvrir le nettement moins fastueux mais néanmoins très beau château d’Attre, un élégant manoir du XVIIIe siècle (www.chateauxduhainaut.be). Vous passerez ensuite à proximité de la base aérienne US de Chièvres, avant de vous diriger vers Silly qui possède désormais un intéressant historial de la Résistance, baptisé MaquiStory (tél.: 068/33.16.06). Si vous ne vous êtes pas gouré dans votre navigation (on vous connaît!) vous passerez juste devant!
Mine de rien, tout cela vous aura fait parcourir près de 180 bornes, pas toujours très roulantes. Donc, conseil d’ami, ne partez pas trop tard, même si les journées sont encore longues en cette saison. Bonne route et prudence, toujours!
Arrêts gourmands
– Au départ ou à l’arrivée de cette balade, les cafés et restaurants de la place Pierre Delanoy à Enghien (au centre-ville) sont bien sympathiques et vous accueilleront volontiers en terrasse si la météo le permet.
– «En passant» à Orroir (Mont-de-l’Enclus). Une découverte que ce petit restaurant agréablement aménagé et doté d’une paisible terrasse ombragée. Le menu du jour à 16 euros (potage maison et carbonades flamandes/frites le jour de notre passage) est on ne peut plus recommandable. Ici tout est fait maison et c’est… très bon! Le service est aimable et efficace et on peut garer les motos tout près. Que demander de plus? Des horaires d’ouverture un peu plus étendus, peut-être?
En passant, 42 rue des Résistants, 7750 Orroir. Tél.: 069/77.79.19 (réservation souhaitée).