La Flandre française – À la découverte de l’autre Flandre

Balades à moto Tourisme P.Bonamis J.Berghmans
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La Flandre n’est pas précisément une région où il fait bon rouler à moto. Les Flamands, qui dès les premiers beaux jours viennent en masse sillonner nos routes wallonnes, vous le diront… Mais il est une autre Flandre, beaucoup moins urbanisée et beaucoup moins connue des motards de notre petit pays: la Flandre… française!

Enfin nous y sommes! C’est que pour rallier Comines-Warneton, point de départ de cette BBB, il y a déjà une trotte depuis la capitale. Heureusement, l’E429 Bruxelles-Tournai est sans doute l’une des autoroutes les moins «motocyclistiquement» désagréables de notre petit pays… Attablés à une terrasse de l’accueillante place Sainte-Anne, sous un beau soleil printanier, l’heure est à l’optimisme. Nous voyons venir les monts de Flandre. Ceux du bien vivre et du bien manger… La Flandre française, c’est un peu la Flandre à l’ancienne, épargnée par les affres de l’urbanisation et cette soif de paraître tellement présente dans la Flandre «de chez nous», si l’on peut encore utiliser cette expression… En passant par Ploegsteert, le pays de la tribu cycliste des Vandenbroucke, nous rejoignons sans tarder Dranouter par des routes bétonnées en faisant un crochet par l’estaminet «De Barbier», à un jet de pierre de la frontière française. Affiches d’époque, radios à lampes, objets insolites, phonographes et vinyles surgis du passé ornent la vitrine et peuplent l’intérieur de cette escale hâtive autant que jouissive (mais ouverte seulement le week-end) avant le passage vers la Flandre «d’en face», la Flandre de France que l’on atteint sans s’en rendre compte pour retomber bientôt sur une cahute qui tenait lieu, jadis, de poste-frontière avec la Belgique.

Les cinq monts

Cap, ensuite, sur le mont Kemmel en passant par Loker et son église aux quatre flèches remarquablement rénovées et dressées vers le ciel. Le Kemmelberg et ses pourcentages annoncés de 9% à 20 %, pour le plus grand bonheur (?) des cyclistes, donne le vertige sur une route pavée et bordée du monument aux soldats tombés pendant la Grande Guerre sur cette ligne de crête qui s’enfonce à l’ouest vers la France. La France, justement, la voilà: elle nous tend les bras dès le Rodeberg (Mont Rouge). Le circuit de montagnes russes que nous empruntons dédaigne soudain Vondel pour saluer Molière du haut du Mont Noir… Reste que le mot «mont» apparaît un rien usurpé: ces monts des Flandres, que l’on qualifierait ailleurs de collines, sont au nombre de cinq: le Mont Cassel, relayé au nord par la quadruple vague formée par le Mont-des-Cats, le Mont Kemmel, le Mont Rouge et le Mont Noir. Ce dernier conserve le souvenir de Marguerite Yourcenar, écrivain de grand talent (qui connut son heure de gloire il y a une bonne trentaine d’années…) et fut la première femme élue à l’Académie française. Un vaste parc ouvert sur la plaine des Flandres porte désormais son nom. Reste à escalader le mont des Cats, repérable au loin par l’antenne fichée sur son sommet. «Voici que j’ai fui loin du monde et que j’ai établi ma demeure dans la solitude», proclame l’abbaye Sainte-Marie, sise en haut de la butte. Ce n’est plus trop vrai aujourd’hui, au regard des voitures qui encombrent le parking devant le superbe panorama dressé à 164m d’altitude.

Au pays des estaminets

Du sommet du Mont des Cats, on dégringolera littéralement dans la plaine pour rejoindre Godewaersvelde, une sympathique localité qui se distingue par son nom imprononçable pour la plupart des Français mais aussi, et surtout, par ses estaminets flamands où il fait bon refaire le monde devant une bière ambrée. Godewaersvelde. Avec un nom pareil, ce village ne pouvait être que flamand. Il n’en est pas moins… français, puisque partie intégrante du département du Nord. Un cocktail surprenant dont la convivialité n’est pas le moindre des atouts. Et cette convivialité, elle s’exprime ici, comme en bien d’autres localités de Flandre française, à travers cette institution que sont les estaminets. Commençons par «Het Blauwershof», au centre du village. Des autocollants jaunes et noirs appliqués sur la porte d’entrée au tonitruant lion qu’arborent les t-shirts en vente au bar, tout ici est flamand, jusqu’aux traditionnels jeux de café que sont le Niklaas Biljart ou le Chinees Damspel! L’établissement poussait même, voici quelques années, la défense des minorités jusqu’à servir du Breizh Cola, de fabrication bretonne, en lieu et place du breuvage américain. L’ambiance est un peu différente au «Roi du Potje Vleesch» (31, rue du Mont des Cats ; tél.: 0033/(0)3.28.42.52.56. Réservation souhaitée). De cet ancien abattoir de campagne, fermé au début des années soixante, les propriétaires ont fait un restaurant où se conjuguent convivialité et simplicité. À la carte, des spécialités flamandes dont le fameux «potje vleesch» (en vieux flamand dans le texte!), une terrine de viandes froides (veau, porc, lapin et poulet) en gelée, de fabrication maison, comme l’annonce l’enseigne. À déguster accompagné d’une bière d’Henri le Douanier, allusion au géant du village. Toutes ces spécialités peuvent être achetées dans la mignonne boutique attenante.

Moulins à vent

Mais il faudra bien, à un moment ou l’autre s’arracher à ces délices de Capoue pour poursuivre son chemin vers Steenvoorde et ses moulins à vent: le «Drievenmeulen», le «Noordmeulen» et le «Steenmeulen». Quelques kilomètres plus loin à peine, voici Cassel. Dès l’époque romaine, le site fut érigé en place forte, d’où le nom de la ville (castellum, en latin). Du haut de la butte (176m), qui surplombe la grand-place aux façades flamandes pleines de charme, on jouit d’un grandiose panorama que Napoléon Bonaparte, qui avait pourtant vu du pays, décrivait en ces termes: «la butte offre la vue du plus magnifique tableau que la nature ait dessiné dans un pays de plaine.» De tout temps, Cassel présenta une grande importance stratégique et sa région ne fut annexée à la France que sous Louis XIV, en 1678. Aujourd’hui encore, Cassel a conservé son caractère flamand. Même les pandores arborent le lion de Flandre sur leur uniforme, y compris s’ils sont natifs d’Aurillac ou d’Aix-en-Provence et ne parlent donc pas un traître mot de la langue de Bart De Wever… La remarque vaut du reste pour la plupart des habitants de la Flandre française: le flamand est pour eux quelque chose de sympathique et de chaleureux mais pas (ou plus) une langue dans laquelle on s’exprime au quotidien. L’équivalent du wallon pour un francophone de Belgique, en quelque sorte!

Eperlecques et son blockhaus

Notre itinéraire met ensuite le cap à l’ouest vers Watten, aimable bourgade baignée par les flots paresseux de l’Aa, que l’on atteint après une descente sinueuse et bien agréable en cette contrée plate comme la main. Si les petites rues anciennes de la localité ne sont pas dénuées de charme, ce qui retient surtout l’attention ici, ce sont les frondaisons de la Forêt d’Eperlecques où se cache un impressionnant blockhaus datant du deuxième conflit mondial. Les nazis ont construit ici un énorme ouvrage (plus de 90.000 tonnes de béton!) duquel furent tirées plus de 22.300 fusées V1 – celle avec des ailes, qui ressemblait à un avion sans pilote – avant que ne sonne l’heure des V2, ancêtres des fusées spatiales et des missiles actuels, voulues par Hitler pour anéantir Londres et Anvers. La rampe de lancement des V1, longue de 45m, est toujours là: unique au monde! Toutes les infos pratiques pour la visite sont sur www.leblockhaus.com. La suite de notre itinéraire fait la part belle aux courbes. Il y en a pour tous les goûts, du serré au très large. Bon, d’accord, ce ne sont pas les Alpes mais ça tournicote gentiment quand même avant de rallier Bergues et ses canaux qui lui ont valu d’être qualifiée de «Petite Bruges du Nord». L’enceinte fortifiée et ses fossés emplis d’eau n’ont presque pas changé depuis le XVIIe siècle et l’incontournable Vauban mais d’autres sont bien plus anciens. Aujourd’hui encore, c’est à pied que l’on découvre le mieux ses rues étroites, son beffroi et ses quais que vient frapper un agréable clapotis… Bergues, c’est aussi le souvenir de «Bienvenue chez les Ch’tis», le long métrage du «régional de l’étape» qu’est Dany Boon (il est né à Armentières) et qu’on ne vous fera pas l’injure de vous présenter. Terminons en signalant à ceux qui, comme votre serviteur, voudraient manger une frite à Bergues, que la friterie «culte» du film… n’existe pas! Ils se consoleront en allant boire la dernière sur l’une des nombreuses et accueillantes terrasses de la place de la République! Bonne route et prudence, toujours!

Arrêts gourmands

Nous avons logiquement pris l’apéro au Blauwershof, à Godewaersvelde. L’endroit a jadis été une forge avant d’être un relais de poste et même un repaire de contrebandiers. Accueil très sympathique, infos à la pelle, bières de qualité (mais on n’en a bu qu’une, qu’est-ce que vous croyez?). La cuisine, typiquement flamande, est recommandable mais comme nous connaissions déjà l’adresse, nous avons été voir en face, à l’Estaminet du Centre. Et nous avons bien fait! Accueil prévenant de Béatrice, ambiance intérieure calme et reposante (mais il y a aussi moyen de manger en terrasse lors des beaux jours), cuisine bien faite offrant le choix entre spécialités locales et classiques de la cuisine française (l’andouillette était parfaite!), que demander de plus? Pour ne rien gâcher, les prix sont très raisonnables au regard de la qualité. L’établissement s’est vu décerner un Bib gourmand par le Guide Michelin, c’est tout dire!

Het Blauwershof, rue d’Eecke, 9 à 59270 Godewaersvelde. Tél.: 0033/(0)3.28.49.45.11, www.estaminet-blauwershof.com.

L’Estaminet du Centre, route de Steenvoorde, 11 à 59270 Godewaersvelde. Tél.: 0033/(0)3.28.42.21.72, www.estaminetducentre.com.