Le Hainaut, terre de surprises et de découvertes? Oui, preuves à l’appui! Cette belle province récèle de nombreux atouts. Loin des clichés, nous partons sur les sentiers perdus d’un Hainaut intimiste ou grandiose, secret ou mystérieux. Entre les géants d’Ath, le Pays des Collines et les plaines sonégiennes, le formidable patrimoine d’une région qui s’assume nous tend les bras…
On réduit trop souvent Ath à sa Ducasse, qui vaut certes le détour… Mais la cité des Géants a bien d’autres arguments à faire valoir. Vous y accéderez facilement depuis la E429 Bruxelles-Tournai. Notre point de départ est situé sur la Grand’Place, devant l’Hôtel de Ville. En attendant les copains de balade, vous pourrez vous désaltérer au café « Le Mercier » ou profiter des paisibles rues alentours. Nous quitterons la Grand’Place par le Sud, en ayant pris soin d’admirer au passage l’exceptionnelle façade de la Salle des Fêtes, un bel exemple de style Art Nouveau! On évite les grands axes en longeant la Dendre et sa petite écluse. Il se dégage des lieux une ambiance « à la Maigret ». On quitte rapidement le centre ville pour aller traverser Irchonwelz. Après un peu de moins de 6 kilomètres d’échauffement nous irons nous perdre à Moulbaix. Ce petit village abrite le moulin de la Marquise. Accessible tous les jours, il mérite qu’on en découvre l’intérieur. Poussières garanties et sensations olfactives intenses vous accompagneront à la découverte des engrenages, des poulies et renvois d’angle qui actionnent les deux paires de meules. Entre les odeurs caractéristiques de bois, de grain écrasé et de farine fraîchement moulue, le cocktail est aussi original que typique. Ouvrez les narines!
So british…
On reprend la route tranquillement. En passant à proximité, le clocher à bulbe de l’église de Moulbaix, dressé tel un bilboquet géant, mérite votre attention. Quelques kilomètres plus loin, l’archéosite d’Aubechies sera notre seconde étape culturelle. L’habitat préhistorique et gallo-romain vous sera expliqué de manière attractive. Modes de vie, coutumes, comportements alimentaires sont abordés. Vous y apprendrez les secrets de la naissance du feu. C’était « Koh Lanta » tous les jours à cette époque! Mettre en marche nos moteurs est plus simple pour repartir plein nord vers Chapelle à Oie, et aller couper la Nationale 7 (merci M’sieur Trenet, même si ce n’est pas celle-ci qu’il chantait). La route est agréable, verdoyante, et suit les quelques ondulations du relief. Houtaing nous attend. Peu avant le village, vous verrez sur votre droite le château de la Berlière. Dans un style proche de celui des manoirs britanniques, la vaste demeure accueille un internat. A l’entrée de Houtaing, nous ferons une petite halte au mémorial d’Oultremont, construit en 1894 à la requête du Comte Adémar d’Oultremont propriétaire du château de la Berlière, pour abriter la dépouille de son épouse. Cette crypte néo-gothique côtoie l’hospice Saint-Clément dont la façade est intéressante.
Mais la N528 nous appelle… La vue se dégage un peu plus sur le Pays des Collines. On enjambe la E429: les automobilistes lancés à vive allure ne profitent pas de ces routes splendides. On délaisse Frasnes-lez-Anvaing pour aller faire une petite boucle à proximité de Saint-Sauveur. Un régal que cette succession de toutes petites routes en descente et en montée. Quelques jolies demeures égayent ces paysages qui se font grandioses. Après ce petit circuit, nous revenons sur une très jolie route en direction de Lahamaide. Pendant une dizaine de kilomètres, entre bois et campagne, les virages s’enchaînent pour notre plus grand plaisir. Sur ce tronçon, il n’y a que peu de changements de direction, et le plaisir de conduite est bien réel. Nous marquerons la pause à Lahamaide. N’hésitez pas à boire un verre à l’estaminet de l’Ecomusée (on vous le recommande!). Lahamaide est un endroit chargé d’histoire. Ce musée vivant permet de redécouvrir les gestes de la vie rurale et tout un patrimoine agricole. Outre l’Ecomusée, la « Maison Louise », inchangée depuis 1950, mais très bien préservée, explique aux plus jeunes comment on vivait par ici voici 50, 70 ou 100 ans. Passionnant et très sympa.
Entre Lessines et l’Afrique
La route vers Lessines est facile. Nous profitons gentiment de quelques courbes qui y mènent mais faisons l’impasse sur le centre-ville. Par contre, la petite boucle proposée permet d’aller enjamber la Dendre par un pont surprenant, bien qu’il s’agisse plutôt d’une passerelle à la structure métallique et au tablier en bois. Tout cela donne un goût indéniable d’Afrique centrale. Etonnant! On quitte rapidement Lessines pour rejoindre Deux-Acren avec une nouvelle histoire de pont. A bascule cette fois, mais toujours sur la Dendre, cet ouvrage d’art nous permet de poursuivre notre chemin vers Viane. On rejoint alors la N495, une nationale un peu plus grosse, au revêtement d’excellente qualité et aux courbes sympathiques. On enroule hardiment du câble jusqu’à l’embranchement vers Sint Pieters Kapelle. Après avoir jeté un œil sur la petite statue représentant le dernier garde-champêtre, nous revenons en terre wallonne à Marcq. Nous coupons la grosse N7, puis enjambons une nouvelle fois la E429 et les voies du TGV. Si une rame passe au même instant, c’est un vrombissement de réacteur que vous entendrez. La puissance qui se dégage des motrices lancées à pleine vitesse fait forte impression.
C’est une toute petite route, faite de virages en série, au bitume agréable, et aux paysages variés qui nous mène à Labliau, puis à Silly. Après avoir échappé à la N57, on reprend le même service. Quelle quiétude et quelle joie de vivre. Nous sommes loin des clichés habituels sur le Hainaut. Après 4 kmde N56 pour ouvrir les gaz en grand, on effleure Lens pour reprendre une dose de petites voies en traversant des hameaux aux charmes discrets : Cambron-Saint-Vincent, Lombise, Thoricourt et Graty. Voilà des coins où je vous fiche mon billet que la plupart d’entre vous n’ont jamais posé la pointe des pneus!
Entre tsunami, porphyre et marbrite
Nous nous dirigeons vers Steenkerque. Le village de feu René Henoumont (voir Carnet de bord) se mérite. Après quelques tours de roues sur la passante chaussée d’Enghien, on prend à gauche une voie en piteux état. A emprunter avec la plus grande prudence, en particulier pour les hypersportives! On dirait que la route a été la proie d’un tsunami. La moitié du bitume a été emporté sur près de 1.500m. Triste à voir. On arrive à Steenkerque. A côté de l’église, une petite statue vous guette. C’est un « loupiot », sorte de gavroche local, qui veille sur ce village suspendu. Comme si les maisons se défiaient de la Senne qui coule en contrebas… On rejoint le cours d’eau, que nous garderons à portée de vue pour atteindre Rebecq. A la célèbre gare du « petit train du bonheur », on remonte vers les carrières de porphyre. Sur votre gauche, un vieux bulldozer sans roues ni chenilles expose sa misère aux quatre vents. Derrière, la terre et la roche ont fait place à de grands cratères creusés à force de dynamite et d’excavatrices. Le porphyre wallon s’exporte loin par-delà nos frontières. Les rues de Saint-Pétersbourg sont pavées de pierres de Quenast! On traverse la N6 pour escalader la colline, faire le tour de Virginal, et traverser le Bois de la Houssière.
Il nous reste à redescendre vers le canal Bruxelles-Charleroi. A l’entrée de Fauquez, une ancienne église a été transformée en crêperie. Longtemps abandonnés, les lieux revivent grâce à la ténacité d’un homme. La marbrite, ce verre translucide, est la composante première de ce lieu surprenant. Si vous ne devez faire qu’un seul arrêt au cours de cette balade, c’est ici. Poussez la porte et découvrez les délices de l’endroit, pour les yeux comme pour les papilles gustatives. Histoire de finir cette flânerie motocycliste en beauté, nous longeons le canal puis nous lançons dans l’ascension (tout est relatif) qui nous conduira au pied de la Collégiale de Nivelles. Alors que la place est en plein travaux, les pelleteuses ont mis au jour plusieurs vestiges très anciens. Outre un cimetière, quatre fours à tuiles sont apparus. La datation de ces découvertes est en cours. La Grand’Place de la cité des Aclots n’en reste pas moins un agréable endroit pour boire un verre avant le retour dans vos pénates. Sur ce, bonne route et soyez prudents!
Carnet de bord
– Ath: petite ville marchande des bords de Dendre, elle est connue dans toute la Wallonie pour Ducasse du quatrième dimanche d’août, où les géants d’osier (jusque à 4m de haut pour 120kg) défilent dans la ville. Symboliquement mariés la veille, Monsieur et Madame Gouyasse (dérivé de Goliath) vont défiler tout l’après-midi. Monsieur Gouyasse ira affronter David (symbolisé par un enfant) sur la Grand’Place. Cette fête a été classée en 2005 au patrimoine immatériel de l’Unesco. La maison des Géants est un centre d’interprétation consacré à tous les géants d’Europe. Il est logé dans le même bâtiment que l’office du tourisme. Plus d’infos sur www.ath.be.
– Moulbaix: le moulin de la Marquise fut bâti à Blicquy en 1747 par un certain Mercier. En 1752, on le démonte (il est construit en bois sur pivots) pour le placer à Moulbaix. La marquise de Chasteler le sauve de la destruction en 1927. A partir de 1949, Jozef Dhaenens, un fils de meunier, le restaure. De nouveaux travaux permettent, en 1985, de le refaire fonctionner. Régulièrement, les ailes de 12m actionnent les lourdes meules. Pourvu également d’un moteur électrique qui actionne une seconde paire de meules, le moulin produit une farine bio de grande qualité pour le boulanger local. Montez sans hésiter dans le moulin, c’est un univers olfactif subtil et étonnant qui vous prendra aux narines.
– Aubechies: c’est dans le village voisin (Blicquy) que l’on trouve des traces de vie dès le néolithique (de 9000 à 3000 avant JC). Découvrez nos glorieux ancêtres qui passèrent du stade de chasseur-cueilleur à celui de cultivateur sédentaire grâce à l’habitat reconstruit. Leur mode de vie n’aura plus de secrets pour vous. Plus loin dans le centre, c’est l’habitat gaulois et romain qui est évoqué. On se croirait en pleine BD d’Astérix! Splendide. Il existe toute une série de formules pour groupe (sur réservation bien sûr). Archéosite d’Aubechies, 1 rue de l’Abbaye, 7972 Aubechies. Tél. : 069/67 11 16. www.archeosite.be.
– Houtaing: vous y trouverez la chapelle funéraire de style ogival érigée en hommage à la comtesse Clémentine d’Oultremont (décédée à l’âge de 36 ans). C’est à cette vieille famille du pays d’Ath que l’on doit la restauration, au XIXe siècle, du château de la Berlière. De grandes familles, telles les Ligne, les Saint-Genois ou les Ennetières ont jalonné l’histoire de ce lieu. De style néo-classique, la Berlière abrite un établissement scolaire fondé par les Pères Joséphites.
– Lahamaide: un écomusée bien vivant pour mieux appréhender la vie rurale à travers les techniques de l’agriculture, de l’artisanat et du quotidien des familles. Dans les hangars agricoles des années 50, les moissons et les travaux saisonniers sont expliqués. L’estaminet propose des jeux traditionnels (vous connaissez le « trou madame » ?). La Maison Louise est une fermette dont l’intérieur date du début du XXe siècle. Des expos temporaires se renouvellent chaque année. En 2010, c’est le bois qui est à l’honneur. De la graine à l’arbre, cette matière première propose bien des richesses. Ecomusée du Pays des Collines, Plada 6 à 7890 Lahamaide. Tél. : 068/64 51 55. www.ellezelles.com/ecomusee.
– Steenkerque: pour « église de pierre »! On ne peut en douter en découvrant la bâtisse de style ogival du XVe siècle dont le clocher remonte au XVIIe. L’histoire marqua de son empreinte guerrière ce joli village classé. Le 3 août 1692, les nations d’Europe tentent de faire barrage aux troupes françaises de Louis XIV. La bataille de « Steinkerque » terrassa plus de 15.000 hommes et se solda par la victoire du Roi Soleil. Steenkerque est aussi le village d’adoption de René Henoumont. Ce chroniqueur-essayiste de talent y est décédé en septembre dernier. Après des actions de résistance durant la Seconde Guerre mondiale, il travailla au journal La Meuse, à l’INR puis à la RTBF avant de s’engager à l’hebdomadaire « Pourquoi Pas? ». En 1988, il sera intégré à l’équipe du Moustique dont il deviendra rédacteur en chef. Il terminera sa carrière journalistique en tenant une chronique au Soir Magazine. Il laisse derrière lui 8 romans aux histoires rurales attachantes, trois romans policiers où le commissaire Fluet mène l’enquête. Une belle lecture à découvrir.
– Rebecq: village lové dans un méandre de la Senne. Le développement industriel eut lieu ici dès le XVIIIe siècle. De cet envol, il subsiste les moulins d’Arenberg. Le grand moulin abrite une expo permanente sur les carrières de porphyre de Quenast dont on fait les pavés. Au rez-de-chaussée, un café permet de boire une « bière de Quenast ». Le petit moulin s’offre à la visite les week-ends pour mieux comprendre la meunerie à l’ancienne. A emporter chez vous: une bière blonde au miel répondant au doux nom de Barbar ou encore la Bonne Espérance, bière d’abbaye. Plus d’info sur www.rebecq.be. Le « petit train du bonheur » emmène le visiteur de Rebecq à Rognon, sur 7km le long de la Vallée des Oiseaux et des méandres de la Senne grâce à une motrice vapeur: charme et nostalgie authentiques. Plus d’infos sur www.rail-rebecq-rognon.eu.
– Fauquez: ah, la Chapelle de Verre! A la fin des années 20 les Verreries de Fauquez tournent à plein régime. L’ingénieur André Brancart, père de la marbrite, fait bâtir en 1929 une chapelle pour les ouvriers de l’usine. Outre le souci du bien-être spirituel des ouvriers, il souhaite une vitrine des applications du verre dans la construction. Ce fut sans doute la dernière grande construction en verre. Les années 30 furent fatales pour cette industrie. La chapelle a été abandonnée en 1977. Michaël Bonnet la rachète en 1990, se retrousse les manches et consacre tout son temps à la rénovation du lieu. Pour financer son matériel (il a tout fait lui-même dans le respect des traditions du début du XXe), il devient aussi le maître des fourneaux et des plaques de cuisson des crêpes. Sans lui ce lieu ne serait que ruine et désolation. Transformer un lieu de culte en un centre de culture et de rencontres conviviales a été le pari audacieux de Michaël Bonnet. A ne manquer sous aucun prétexte. www.chapelledeverre.be.
Arrêts gourmands
– Taverne Le Mercier: un cadre classique et une ambiance agréable pour l’une des plus anciennes tavernes de la Grand’Place. Une bonne adresse pour attendre les compagnons de route, ou pour y revenir déguster un plat du jour, une salade ou une grillade. Les prix restent raisonnables. Terrasse aux beaux jours. Le Mercier, Grand’Place, 44 à 7800 Ath. Tél. : 068/55 33 00.
– Restaurant La Forge: pour reprendre des forces nous avons jeté notre dévolu sur un menu deux services à prix très démocratique. Un amuse-bouche campagnard, suivi d’une croquette au fromage, d’un pavé à la sauce bordelaise et d’un café pour la modique somme de 13,50€. On n’est pas ruiné! Dans un cadre agréable à la déco un peu « kitch », vous trouverez au menu des ris de veau aux pommes caramélisées, du filet d’agneau à l’ail, ou encore des anguilles au vert. Restaurant La Forge, 3 place de Lahamaide, 7890 Lahamaide, Tél. : 068/84 39 31.
– Brasserie Les Arts: au pied de la collégiale de Nivelles, l’ambiance y est chaleureuse et l’accueil sympa. La terrasse est sympathique par beau temps. Brasserie Les Arts, 51 Grand Place, 1400 Nivelles. Tél. : 067/21 83 73 www.brasseriedesarts.be.